Exposition Photographie Contemporaine: Juergen TELLER « Leg, snails and peaches »
"Leg, snails and peaches", 2017 de Juergen TELLER - Courtesy SUZANNE TARASIEVE © Photo Éric Simon
Du 13 janvier au 3 mars 2018
En 2014, alors quʼil avait commencé à enseigner la photographie à lʼAkademie der Bildenden Künste de Nuremberg, Juergen Teller expliquait avoir donné un conseil générique à ses étudiants. «From the beginning, I told them their work should be about loving life. It shouldnʼt be so much about the photography. Totake photos, you have to love life then you can photograph anything1.»
Dans le cas de Juergen Teller parce quʼil est probablement lʼun des photographes actuels les plus sollicités et que ces sollicitations émanent de toutes sortes dʼindustries: celle de la musique, celles de la mode et de la publicité, celle de lʼart la question ne tarde pas à se poser de savoir ce qui relie ce quʼil photographie, et comment lʼhétérogénéité spectaculaire des sujets imposés par ces industries diverses ou simplement imposés par lui-même, fait «œuvre».
"Blaine, blaine, blaine", 2017 de Juergen TELLER - Courtesy SUZANNE TARASIEVE © Photo Éric Simon
Sʼil a incontestablement inventé un «style» et une esthétique spécifique à sa photographie et qui marque lʼhistoire de cette discipline, il faut bien reconnaître quʼil en a désormais suffisamment repoussé les contours pour que cela nʼentrave en rien sa pratique, ni ne dégénère en académis- me. Ce qui relie ce quʼil photographie tient plus dans le regard que dans les formes, les sujets,
les techniques et sʼil expliqua à ses étudiants que leur travail «should be about loving life», nul doute quʼil leur livrait une expérience personnelle.
"Charlotte Rampling, a Fox and a plate, London ", 2016 de Juergen TELLER - Courtesy SUZANNE TARASIEVE © Photo Éric Simon
Lʼexposition emprunte son titre à une série récente «Leg, snails and peaches, London 2017».A lʼentrée de la Galerie «Leg, snails and peaches No.25,London 2017» montre une mise en scène dans laquelle Juergen Teller est allongé sur le sol, portant un short et un hoodie aux couleurs du drapeau européen dans lequel les douze étoiles symbolisant les pays de lʼEurope ne sont plus que onze, consécutivement au retrait de la Grande Bretagne.
Sur le sol sont disposées des pêches, parfois séparées en deux lobes, et il tient dans sa main gauche un téléphone portable en mode «appareil photo» mais qui ne documente pas ce qui pourrait être lʼaction principale de la scène, et que lui-même ne regarde pas non plus tant il semble abandonné aux sensations que lui procure la présence sur sa jambe nue dʼun Giant African Snail , un très gros escargot connu pour le danger que représente sa grande capacité de reproduction, et dʼinvasion.
"Krish Seblt Thomas", 2017 de Juergen TELLER - Courtesy SUZANNE TARASIEVE © Photo Éric Simon
"Béatrice Dalle", 2017 de Juergen TELLER - Courtesy SUZANNE TARASIEVE © Photo Éric Simon
En somme, il y a fort à faire pour assembler les éléments de ce récit complexe, auquel on peut inventer des résonances politiques, écologiques et essentiellement érotiques.
Celles-ci semblent traverser toute lʼexposition via la célébration de sensations: le contact du corps gélatineux de lʼescargot sur la peau de la jambe, ailleurs sur le velours dʼune peau de pêche ou le contact produit par la présence dans la cavité humide de la bouche dʼun homme, dʼune grenouille. Ailleurs une jeune femme (Béatrice Dalle) pose sa bouche sur lʼécorce dʼun arbre – une photographie réalisée pour le magazine Man out of Town, et ailleurs encore un sein (celui de Raquel Zimmermann dans une campagne de publicité réalisée pour la marque Céline en 2017).
"Paradise II", 2017 de Juergen TELLER - Courtesy SUZANNE TARASIEVE © Photo Éric Simon
Lʼexposition, qui combine aux séries récentes (Frogs and Plates, 2016) et inédites (Leg, snails and peaches, London 2017) des travaux réalisés pour dʼautres industries (encore que dans le cas de Teller la distinction nʼai aucun sens), articule une évidente célébration de la vie en exposant les sensations simples induites par la nature y compris dans la sécheresse des pay- sages désertiques photographiés au Sultanat dʼOman qui offrent un contrepoint littéral aux paysages non exposés ici du Suffolk réalisés en 2010, ou à ceux de forêts luxuriantes au Cana- da réalisés lʼan passé pour le magazine System («Paradise II, At Moments I Felt like Being in a Strange Dream in a Medieval Forest with 2 Naked Canadian Girls Doing Hula Hoops, Covered all over in Sweet Maple Syrup, No.70, System Magazine Supplement, Canada 2017 »).
"Oman, Malgosia on Sigmund Freund", 2008-2016 de Juergen TELLER - Courtesy SUZANNE TARASIEVE © Photo Éric Simon
"Raquel Zimmerman, Céline, Mexico", 2012 de Juergen TELLER - Courtesy SUZANNE TARASIEVE © Photo Éric Simon
La trentaine dʼœuvres qui composent « Leg, snails and peaches»forme assurément un ensem- ble «about loving life». La photographie de Teller est caractérisée par sa bienveillance et son humilité: deux sentiments qui transparaissent toujours dans la manière dont il restitue ce quʼIl photographie.
Elle dépeint une époque structurée par le pouvoir et les rapports de force en utilisant radica- lement les stratégies de son contraire. Teller nʼest jamais ironique avec les objets, les paysages et les personnages quʼil photographie. il se réserve en général ce traitement à lui même.
Lʼextraordinaire « Self Portrait with Balloons, Paris, 2017» le représente nu sur un lit recouvert dʼun édredon blanc posé devant un mur envahi dʼun lierre jauni par lʼautomne.
La composition (qui évoque «Nude with Leg Up (Leigh Bowery)»,1992, de Lucian Freud) est complétée par un ensemble de ballons assemblés à une tige que Teller tient dans la main (ceux-ci renvoyant au portrait quʼil réalisa de Cerith Wyn Evans en 2011) qui, au passage, confirment son absolu talent de coloriste.
"Self Portrait with Balloons, Paris", 2017 de Juergen TELLER - Courtesy SUZANNE TARASIEVE © Photo Éric Simon
Sa nudité fait écho au sommeil de la nature infligé par lʼautomne à la végétation: on voit distinc- tement le conflit entre le plastique triomphant des ballons gorgés dʼair et les feuilles alourdies par leur décrépitude qui déploient exactement la palette colorée du tableau de Lucian Freud.
La situation est tout aussi «surréaliste» que celle qui installe une grenouille sur une pile dʼassiette (inspirée par une photographie de Robert Mapplethorpe quʼil vit lorsquʼil eut lʼoccasion dʼétudier les archives de Mapplethorpe pour une exposition). Elle sʼoppose au naturel absolue dʼune autre photographie («Wildschweinmutter, Kolkata, India 2014») représentant un ensemble de gorets occupés à téter les mamelles dʼune truie quoi de plus naturel? «To take photos, you have to love life then you can photograph anything.»
Eric Troncy
"Suzanne Tarasiève", 2017 de Juergen TELLER - Courtesy SUZANNE TARASIEVE © Photo Éric Simon
SUZANNE TARASIEVE LE MARAIS
7, Rrue Pastourelle
F-75003 PARIS
Jours et horaires d'ouverture: du mardi au samedi de 11h à 19h & sur rendez-vous
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