José GAMARRA « Le théâtre de la jungle »
Détail "L'Expectative", 2021 de José GAMARRA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie XIPPAS - Paris © Photo Éric Simon
Du 7 septembre au 12 octobre 2024
Exposition anthologique, œuvres 1969 - 2024
"Il nous faut revenir à la forêt où est la source de nos mots, le reliquaire des signes et des formes qui nous hantent. Ne sachant pas si elle nous menace ou nous est propice."
- Édouard Glissant
Dans l’œuvre El progreso de una ayuda de 1969, on voit un bombardier de l’US Air Force larguer une centaine d’objets liés à l’industrie de guerre sur le fond d’un paysage tropical exotique. Le titre du tableau, imprégné de cynisme et d’ironie, définit son ton narratif : la politique américaine ne peut dissocier le progrès de la guerre.
De même, dans l’œuvre Amigos réalisée en 2021, qui se situe à l’autre extrémité temporelle de l’exposition, on observe, au sein d’une somptueuse représentation de la jungle, trois personnages : un animal, un humain et un être mythologique, plus deux créatures qui les observent.
Dans ces deux œuvres, la jungle est le décor et l’espace où se déroule une histoire. Dans le premier, elle est le témoin et la victime d’une politique impérialiste, dans le second, le seul espace possible où peuvent cohabiter ces êtres réels et imaginaires, « la loi de la jungle » et « le livre de la jungle ».
"El progreso de una ayuda", 1969 de José GAMARRA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie XIPPAS - Paris © Photo Éric Simon
"L'Expectative", 2021 de José GAMARRA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie XIPPAS - Paris © Photo Éric Simon
L’exposition anthologique Le théâtre de la jungle présentée à Xippas Paris retrace cinquante dernières années de travail de cet artiste singulier à travers une sélection exceptionnelle de peintures et de dessins. José Gamarra est né en Uruguay en 1934 et après avoir vécu quelques années à Rio de Janeiro et participé à la Biennale de Venise (1964), il s’installe en région parisienne au milieu des années 60.
"Las Garzasladrones", 2001 de José GAMARRA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie XIPPAS - Paris © Photo Éric Simon
"Coto", 1982 de José GAMARRA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie XIPPAS - Paris © Photo Éric Simon
La première série d’œuvres créée en France reprend certaines orientations esthétiques de la Figuration Narrative (Adami, Arroyo, Arnal, Castro, Cueco, Días, Fromanger, Rancillac, Recalcati, Télémaque). Gamarra a participé pendant quelque temps aux va-et-vient de ce groupe figuratif hétérogène, associé à l’imagerie des médias, des bandes-dessinées et de l’industrie du divertissement, qui incarnait en quelque sorte l’atmosphère hautement politisée qui régnait à Paris dans les années 60.
Au cours des années 70, la représentation de la nature et notamment de la jungle tropicale prend progressivement de l’ampleur dans les compositions picturales de l’artiste. Au début de la décennie suivante, la représentation de la jungle devient plus sophistiquée sur le plan formel et occupe presque tout l’espace des tableaux de Gamarra.
"Invasion", 1978 de José GAMARRA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie XIPPAS - Paris © Photo Éric Simon
"Boomerang", 1993 de José GAMARRA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie XIPPAS - Paris © Photo Éric Simon
Le projet artistique de José Gamarra axé sur la peinture, mais qui abordait la pratique du dessin et de la production graphique développée depuis la fin des années 60, introduit la représentation de la forêt ou de la jungle comme scénario possible du développement humain.
La jungle, la forêt, la selva est pour l’artiste le théâtre de tous les conflits et de tous les accords, un espace fondamental de l’action humaine, le décor primordial du mythe et de la fable, le mystère impénétrable de l’inconnu. Dans ce décor infini et mystérieux, l’artiste présente des histoires insolites où cohabitent et interagissent divers personnages, issus de cultures et de moments historiques différents : Le Pape et Superman, les conquistadors espagnols de l’Amérique et les animaux mythologiques ou les Yanomami et les marins américains.
Le paysage de la jungle est le témoin et la victime de tous ces conflits et un espace ontologique de résistance et de résilience, peut-être le dernier possible.
"Amigos", 2021 de José GAMARRA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie XIPPAS - Paris © Photo Éric Simon
"Le grand lessivage", 1980 de José GAMARRA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie XIPPAS - Paris © Photo Éric Simon
Comme chez tous les grands créateurs, le projet artistique de Gamarra est non seulement contemporain par sa pertinence et son originalité créative, mais aussi parce qu’il agit dans le présent en projetant des images qui révèlent des questions et des enjeux fondamentaux.
Nature, culture, société et politique, la géographie d’où vient la vie, l’espace vital de l’entropie et le foyer de la néguentropie, cet espace fragile et à la fois résistant est peut-être la dernière limite qu’offre la nature à l’homme et à sa culture. La dernière frontière.
Commissariat : Manuel Neves
"A visage découvert", 1977 de José GAMARRA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie XIPPAS - Paris © Photo Éric Simon
"L'objectif", 1975 de José GAMARRA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie XIPPAS - Paris © Photo Éric Simon
José Gamarra est l’un des artistes d‘origine uruguayenne les plus importants. Né en 1934 à Tacuarembó (Uruguay), il vit et travaille depuis 1963 à Arcueil, France, et a acquis une renommée internationale.
Dès 16 ans, il participe aux Salons Nationaux, puis entre aux Beaux-Arts de Montevideo où il étudie la peinture et la gravure. En 1959, il obtient une Bourse d’Itamarati du ministère des Affaires étrangères du Brésil, pour étudier la gravure au Musée d’Art Moderne de Rio de Janeiro avec Johnny Friedlaender, et la peinture à l’Institut des Beaux-Arts de Praia Vermelha avec Iberé Camargo. Après un an à Rio, il est nommé professeur de peinture et de fresque à la Fondation Alvares Penteado à Sao Paulo. Les quatre années qu’il a vécues au Brésil (1959-1963) ont été fondamentales dans sa consolidation artistique.
En 1962, il participe à la IIIe Biennale des jeunes peintres de Montevideo et à la IIIe Biennale des jeunes peintres de Paris où il obtient le prix de peinture et une bourse du gouvernement français. La curiosité, le besoin de voir des œuvres originales et la confrontation avec d’autres artistes l’ont conduit en Europe. L’expérience européenne sera fondamentale dès son arrivée en France en 1963. Les artistes en Uruguay ont été influencés par l’école Torres García, une école très rigide avec une palette très sombre. « En Europe, j’ai vu l’explosion des couleurs » raconte Gamarra.
"Recuerdo de ungorila", 1973 de José GAMARRA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie XIPPAS - Paris © Photo Éric Simon
À Paris, il trouve une autre dynamique créative, son regard envers le continent américain change, il observe et pénètre la nature latino-américaine. Le peintre évoque diverses époques, évènements, personnages et objets divers : conquérants de la découverte de l’Amérique, peuples indigènes, les conflits armés des années 70 avec hélicoptères, avions et chars.
Le vert profond des paysages, la précision des détails, les personnages incognito en position de défense, d’attaque ou dans l’angoisse, entourés d’animaux et d’objets, créent du drame, et du lyrisme dans un esthétisme parfait. La végétation exubérante est une sorte de roman où les paysages de jungle magique décrivent tout un univers esthétique et social. L’engagement social et le souci de la préservation de la nature sont depuis longtemps des thèmes centraux de son intense activité artistique. José Gamarra a toujours pensé qu’il était possible de vivre en harmonie avec la nature, le message écologique est partie intégrante de son travail.
L’œuvre de José Gamarra fait partie des collections publiques et privées préstigieuses, telles que Museum of Modern Art, New York, États-Unis ; Metropolitan Museum of Art New York, États-Unis ; Rockefeller Foundation, New York, États-Unis ; Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, France ; Bibliothèque Nationale de Paris, France ; Fonds National d’Art Contemporain (CNAP) Paris La Défense, France ; Musée d’Art Contemporain du Val-de-Marne (MAC/VAL), Vitry, France ; Collection Banque Rothschild Zürich, Suisse ; Museo de Arte Moderno Buenos Aires, Argentine; Museu de Arte Moderna Rio de Janeiro, Brésil, entre autres.
Galerie XIPPAS
108, rue Vieille du Temple
75003 Paris
www.xippas.com
Jours et horaires d’ouverture : Du mardi au vendredi de 10h à 13h et de 14h à 19h et les samedis de 10h à 19h.