Eli MADE «Mindscapes»
Détail "O Mwanga", 2024 de Eli MADE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie ANGALIA © Photo Éric SIMON
Du 2 mai au 24 juin 2025
De son vrai nom Elie Mafundwe, Eli Made naît en décembre 2003 à Bukavu, dans l’Est de la République démocratique du Congo. Très doué pour le dessin, il expose ici et là, encore adolescent, dans sa ville natale, puis part s’installer à Kinshasa en 2022 pour entrer à l’Académie des Beaux-arts. Il n’y restera finalement que quelques mois.
Pour gagner quelques subsides, il pratique la technique du tie and dye sur des T-shirts, c’est-à-dire la décoloration du tissu avec de l’eau de Javel pour faire naître des motifs. C’est ainsi que germe dans son esprit l’idée d’utiliser cette technique à des fins artistiques. Il achète du tissu noir et commence à « peindre » sur ce support à l’aide d’un pinceau trempé dans l’eau de Javel. La galerie Angalia expose et vend peu après l’une de ses toutes premières œuvres. Eli a alors 19 ans, il maîtrise déjà sa technique, son propos est fort et cohérent, il est prêt.
Une mosaïque des états psychologiques
La grande majorité des œuvres d’Eli Made traduit des états psychologiques : souffrance, lutte intérieure, méditation, transformation mentale, résilience, etc. Chaque œuvre est en quelque sorte un élément d’une grande fresque mentale, avec ses variantes apparemment infinies. Une seule exception – mais le thème est voisin : Eli aborde également le rapport entre les Africains d’aujourd’hui et leurs racines ancestrales.
D’où vient chez un jeune homme d’une vingtaine d’années un intérêt aussi prononcé pour l’univers mental ?
De la dépression dont il a lui-même souffert durant son adolescence, suite à une inconcevable série de drames familiaux. Il vaincra la maladie seul, grâce à Internet, ou plutôt grâce à son extraordinaire capacité d’autoformation et d’analyse. C’est ainsi qu’Eli a acquis une somme de connaissances étendues sur la psychologie humaine, qui lui permet aujourd’hui de mettre en scène avec finesse, grâce à des portraits réalistes, une grande variété de paysages de l’esprit.
Mindscapes est sa toute première exposition individuelle. Elle réunit 12 tableaux réalisés entre 2023 et 2025. Chacune de ses productions est accompagnée d’un artist statement lumineux, informatif et sans jargon inutile, que les visiteurs de l’exposition pourront consulter.
Avec Kivuli, un tableau où il aborde le thème de la connaissance de soi, Eli exploite la symbolique de l'ombre, qui incarne les parties obscures et réprimées de notre personnalité. Il le fait ici dans une démarche autobiographique : « en créant Kivuli, j'ai fait un pas de plus vers l'acceptation de mon propre être, dans toute sa complexité ».
Un autre tableau autobiographique, Chumba Cha Kutafakari, porte sur la méditation. Il évoque le souvenir d’une « féconde punition », lorsque sa mère lui demandait d’aller réfléchir dans sa chambre chaque fois qu’il se comportait mal. La chambre est devenue pour lui un lieu d’apprentissage de la concentration, un lieu pour réfléchir à ses choix de vie et à ses valeurs, pour se préparer à la vie, mentalement et émotionnellement, quelle que soit la situation.
La souffrance mentale est traitée dans l’œuvre intitulée Midas. Une jeune femme en proie à une tension contenue est plongée dans une atmosphère dramatique dont on ignore tout, mais sa douleur est papable. Le choix du profil et du clair-obscur permet de créer une atmosphère d’intimité et de mystère.
Avec Archétypes, Eli aborde la quête de sens. Dans cette œuvre, un homme se tient au centre d'un paysage aride et dépouillé – c’est-à-dire un lieu où l'être humain se retrouve seul face à lui-même. Confronté à ses vérités et à ses aspirations profondes, il nous prend à témoin de sa quête de sens et d'identité. Un fossile d’ammonite évoque l’inconscient collectif, il incarne les archétypes qui habitent notre psyché. ,La transformation mentale est le thème de Hawa, un tableau où un personnage féminin, tout en portant le poids d'expériences vécues, regarde l’avenir avec calme et détermination. La transformation, en marche, apporte la sérénité.
Dans Epiphora, Eli explore la répétition émotionnelle et le débordement intérieur, c’est-à-dire le fait que certaines émotions ou souvenirs reviennent en boucle, imprégnant notre être jusqu’à devenir une seconde peau. Le fond du tableau, composé de fleurs, amplifie cette idée de répétition, de persistance et d’impact silencieux. Le personnage est à la fois absorbé par ses propres sensations et en fusion avec l’environnement qui l’entoure.
L'œuvre Wall of dichotomy est dédiée au thème de la mémoire, sa fragilité et son caractère complexe. Yeux fermés et tête baissée, plongé dans ses pensées, un jeune homme s’efforce d’accéder à sa mémoire. La résilience est traitée dans deux tableaux.
Dans Veiled dawn, une silhouette énigmatique émerge, à la fois sereine et empreinte de mystère. Le visage semble tourné vers une lumière invisible, comme si elle cherchait un chemin à travers la pénombre. L’expression est douce mais intense, suggérant une force intérieure qui transcende les difficultés. Lumière encore avec Ô Mwanga, un tableau dans lequel un homme s’extrait de l’obscurité et ses moments de doute, de peur et de désespoir.
Enfin trois œuvres explorent le thème du lien de l’homme contemporain à ses racines ancestrales. Dans Spirit, l’homme est une incarnation de la lignée, un réceptacle à travers lequel les esprits des ancêtres circulent. Son regard symbolise sa connexion à cette puissance supérieure, sa volonté d'embrasser son héritage et de rechercher la direction de ceux qui l'ont précédé. C'est un témoignage du pouvoir durable de l'ascendance, de sa capacité à façonner nos identités et à guider nos chemins.
Embodiment évoque le dialogue entre le passé et le présent, le tangible et l’intangible. Les gestes et la posture du personnage traduisent une introspection, un dialogue silencieux avec elle-même et avec l’héritage qu’elle porte. A l’inverse, le masque symbolise ce qui est solide, enraciné, en l’occurrence la tradition.
Enfin Mrithi met en scène l’intégration des influences ancestrales aux côtés d’une modernité assumée. Mrithi, qui signifie « héritier » en swahili, est ici utilisé dans une acception à la fois culturelle, spirituelle et personnelle.
Galerie ANGALIA
10-12 rue des Coutures Saint Gervais
75003 Paris
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Jours et horaires d’ouverture : du mardi au samedi de 11h à 19h.