Laura GARCIA KARRAS “Calisté”
Détail "Henderick", 2025 de Laura GARCIA KARRAS - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Anne-Sarah BÉNICHOU © Photo Éric SIMON
Du 23 mai au 12 juillet 2025
La galerie sera exceptionnellement fermée du 25 juin au 2 juillet 2025.
Pour sa première exposition personnelle à la galerie intitulée Calisté, Laura Garcia Karras présente une série inédite de peintures à l’huile sur toile aux motifs floraux et organiques. D’une grande intensité lumineuse, ses œuvres irradient et se distinguent par leur richesse chromatique. Représentative de son travail, cette nouvelle série vibrante explore la vitalité du monde naturel.
"Les fleurs, ce territoire pas si naïf. A la croisée de l’ornement, de l’intime et du spirituel. Allégoriques et élégantes aux pieds de la Flora de Pompéi, fines et discrètes dans les peintures de la première Renaissance, abondantes et lascives dans les natures mortes du 17e siècle, bucoliques et domestiquées par l’homme chez les impressionnistes… Toujours symboliques, métaphores du printemps, de la fécondité, du temps qui passe, et de l’éternité après la mort.
"Alice", 2025 de Laura GARCIA KARRAS - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Anne-Sarah BÉNICHOU © Photo Éric SIMON
Car la fleur est, par essence, ce motif récurrent, qui ne fane jamais, renaît toujours, et dont la perfection stylistique, fleurtant avec la beauté des mathématiques et les mystères divins, a ceci de magique qu’elle est immuablement spontanée. La fleur serait donc l’acte créatif naturel qui préexisterait à l’acte créatif, l’invenzione, de l’artiste.
Que peut bien faire le peintre alors, sinon le recopier pour tenter de le défier ? Chez Sam Szafran, cette représentation a tourné à l’obsession, l’artiste remplissant ses toiles de végétaux surabondants et labyrinthiques, à la manière d’une grammaire aussi ornementale que psychique. L’esthétique organique, botanique, s’accrochant ainsi à des architectures au déséquilibre fascinant.
Pour Laura Garcia Karras, cet univers feuillu n’a assurément rien d’anodin. Alors fillette, grandissant à Malakoff, elle l’a observé pendant que sa mère partageait des moments d’amitié avec le peintre. Ses trames, ses dérivations, ses exubérances, ses envahissements, ses circonvolutions." La jeune fille a toujours voulu être peintre. Et au-delà de l’acte imaginatif, c’est aussi, et peut-être surtout, la recherche d’un vocabulaire, d’un langage formaliste, qui la mène à s’intéresser au cinéma d’animation qui lui permet de « décortiquer la peinture, image par image ».
"Giu", 2025 de Laura GARCIA KARRAS - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Anne-Sarah BÉNICHOU © Photo Éric SIMON
Cette démarche se perçoit particulièrement dans les paysages à la fois très composés et très minimalistes dans lesquels la nature de bord de mer, d’apparence luxuriante, se mue en tourments, en ossements, en carnages même, en champs de désolation. Aspirant dans son cadre aux bleus et orange angoissants les terreurs indicibles du monde, de la même manière qu’Yves Tanguy pouvait le faire dans ses paysages solitaires au surréalisme morbide.
Chez Laura Garcia Karras, les palmiers si séduisants prennent la forme de barbelés emmêlés quand ils ne sont pas de simples traits épars, squelettes appauvris tombant au sol. Derrière le flamboiement des couleurs, la mort n’est jamais loin. Dans ses toiles, la grille de composition est à la fois d’une impeccable méticulosité, comme si chaque élément avait été ajouté, séquence après séquence, et d’une étonnante illusion d’improvisation. « Norman McLaren, génial précurseur du cinéma d’animation gravait et peignait lui-même ses pellicules » explique-t-elle, fascinée par cet hyperréalisme capable de donner lieu à du fantastique.
"Katia K.", 2025 de Laura GARCIA KARRAS - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Anne-Sarah BÉNICHOU © Photo Éric SIMON
On décèle aussi chez elle les paysages traversés de lignes et de pierres solitaires de Derek Jarman dans la série Avebury de 1973. C’est d’ailleurs dans cette perspective que l’on doit regarder le grand plafonnier qu’elle a réalisé pour le MO.CO. de Montpellier à l’occasion de son exposition personnelle « Perennial » en 2024 : grande fresque en forme de jardin funéraire ou d’excavation archéologique révélant le squelette d’un ancêtre de l’humanité. Là encore, Derek Jarman qui avait construit son jardin entre la mer et une centrale nucléaire, parle aux aspirations de la jeune peintre. Jusqu’à faire évoluer ses motifs.
Si s’affirme toujours l’idée de séquence picturale parfaitement orchestrée image par image sur laquelle elle fait jouer des couleurs à la vivacité sublime, les formats s’agrandissent et la perspective se réduit pour atteindre le all over. « Je veux des trames, pas de repentirs » répète-t-elle. Sa peinture tramée se pare alors des contours d’un corset ajusté. L’artiste écoute ici ses obsessions et suit le geste pur et simple, malgré l’extrême sophistication qui en jaillit. « Pendant la pandémie, j’ai zoomé sur les fleurs du jardin de Derek Jarman ». Et voici que sont nées ces immenses fleurs, gros plans entêtants embarquant notre regard dans un vortex optique vertigineux.
"Henderick", 2025 de Laura GARCIA KARRAS - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Anne-Sarah BÉNICHOU © Photo Éric SIMON
Au centre parfois, les galets de Jarman tourbillonnent si bien qu’ils nous font penser aux peintures cinétiques de Vasarely. Dans ces grands Léviathan floraux, qui semblent danser comme les fleurs de Fantasia de Disney, la beauté évidente côtoie une angoisse fictionnelle plus sourde. « C’est un peu mon voyage au centre de la terre » dit-elle en regardant sa nouvelle série ,dont les pétales vibrent avec intensité, comme rétroéclairés. Georgia O’Keeffe, qui a, elle aussi, peint des fleurs et des ossements, aurait pu prononcer cette phrase.
"Mae J.", 2025 de Laura GARCIA KARRAS - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Anne-Sarah BÉNICHOU © Photo Éric SIMON
La peinture régénérative de Laura Garcia Karras, aux accents de plantes carnivores, contient cette quête d’un geste à la fois répété et spontané. De la même manière que les fleurs éclosent depuis la nuit des temps. De la même manière que le geste protocolaire de la peinture de Bernard Frize rend la représentation autonome. De la même manière dont le cycle féminin entre en symbiose avec la floraison renouvelée de la nature. On serait tenté de parler de « peinture féminine » ? L’artiste l’assume aujourd’hui, mais n’en dire que cela serait absolument réducteur. Si tant est qu’il existe une « peinture féminine »…
Comme on l’a compris, les œuvres de Laura Garcia Karras sont un chant mélodique bien plus complexe. A travers la déclinaison très formaliste d’un pattern, qui est à rapprocher de l’ anthemion – cette palmette décorative très utilisée dans la Grèce antique sur les stèles funéraires - son univers foisonnant, d’une séduction extrême, nous emmène sur les rives d’une intériorité obscure et mystérieuse, aux confins de « ces lieux de l’existence auxquels nous étions loin de nous attendre » dont parle justement Walter Benjamin. Ses fleurs, aux courbures exotiques, aux couleurs chaudes, sont loin d’être de simples ornements naïfs. Elles seraient plutôt des motifs voraces aux dons et aux métamorphoses multiples, doubles de nos angoisses et de nos désirs sans cesse répétés tout au long de notre existence.
Extrait de « L’herbier fantastique de Laura Garcia Karras » par Julie Chaizemartin, mai 2025
"Paon", 2025 de Laura GARCIA KARRAS - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Anne-Sarah BÉNICHOU © Photo Éric SIMON
Laura Garcia Karras, née en 1988, est une artiste peintre dont l'œuvre explore les frontières de la matière picturale et le rapport entre la représentation et la nature. Après des études à l’école de La Cambre à Bruxelles et aux Beaux-Arts de Paris, elle a été distinguée en 2018 par la Fondation Crédit Agricole et a reçu le troisième prix du Prix Antoine Marin. Elle a participé à de nombreuses expositions en Europe et en Asie. Récemment son travail a fait l'objet d'une grande exposition monographique en 2024 au MO.CO. Montpellier Contemporain.
Son travail, centré sur la peinture, interroge la matérialité du médium à travers des procédés qui mêlent figuration et abstraction. Son exploration de motifs végétaux, notamment des fleurs, va au-delà de la simple représentation esthétique pour transcender leur symbolique. La peinture devient pour elle un espace de réflexion, à la fois poétique et philosophique. Par des techniques qui allient surfaces nettes et coups de pinceau libres, elle crée des compositions qui jouent avec la lumière et la profondeur, superposant formes découpées au scalpel et aplats de couleur.
Galerie Anne-Sarah BÉNICHOU
45 rue Chapon
75003 Paris
Jours et horaires d’ouverture du mardi au samedi de 11h à 19h.