« Quand les Artistes pensent l’Économie »
Détail "Le Monde à l'Envers", 2024 de Anne et Patrick POIRIER - Courtesy de des artistes et de la galerie Régis MATHIEU - Paris © Photo Éric SIMON
Du 8 février au 5 avril 2025
Artistes présentés : Rudolf Bonvie ; Blanca Casas Brullet ; Joan Fontcuberta ; Alfredo Jaar ; Benjamin Loyauté ; Pascal Maitre ; Gilles Mahé ; Jürgen Nefzger ; Tony Oursler; Anne et Patrick Poirier / Diana Thorneycroft ; Yves Tremorin ; Vera Röhm ; Allan Sekula.
« Quand les artistes pensent l’économie »
Si le terme économie figure déjà dans le vocabulaire des grecs et des romains, il a fallu attendre quelques siècles pour qu’il reprenne une place significative dans une réflexion théorique et dans les usages. Comme l’indique son étymologie, on entendait par économie « le fait de bien gérer sa maison ». Puis cette référence à la maisonnée s’est ouvert sur le monde et le terme économie a peu à peu pris le sens plus général d’un mode d’administration des biens et des richesses matérielles. Ainsi d’une définition domestique sont apparus au fil des ans des usages très diversifiés avec les termes d’économie politique, d’économie sociale, voire d’économie de la culture, de la nature et même des images.
"Le Monde à l'Envers", 2024 de Anne et Patrick POIRIER - Courtesy de des artistes et de la galerie Régis MATHIEU - Paris © Photo Éric SIMON
"Sahel en danger", 2019 de Pascal MAITRE - Courtesy de l'artiste te de la galerie POLKA © Phorto Éric SIMON
C’est peut-être la faillite du système de Law qui a donné lieu à la première illustration d’une crise financière comme le montre le choix de gravures qui sera projeté dans l’exposition. Si les biens matériels et la richesse ont donné lieu à des œuvres diverses et foisonnantes, en particulier dans la peinture, les artistes, malgré l’apparition de traités théoriques sur le sujet, ne se sont pas immédiatement investis dans une véritable pensée sur le fonctionnement des systèmes économiques et de leurs conséquences.
La condition de l’artiste avait, elle aussi, à évoluer. Du simple artisan, l’artiste avait à acquérir un statut qui lui permette de gagner en autonomie et de devenir peu à peu un acteur engagé dans la collectivité.
"September 15", 2009 de Alfredo JAAR - Courtesy de l'artiste et de Jean-Kenta GAUTHIER © Photo Éric SIMON
Revoir l’économie
Dans cette évolution, la photographie a joué un rôle certain et c’est avec elle que sont apparues les représentations en image des phénomènes économiques et sociaux. Les photographies de Jacob Riis, de Lewis Hine et Dorothea Lange, présentes dans l’exposition, en sont une illustration convaincante, comme celle de Pascal Maître sur le retour de Lybie d’un commerçant vers le Niger. Joan Fontcuberta, en représentant le corps inanimé d’un migrant sur une plage invite lui aussi à une réflexion sur l’économie sociale à laquelle s’ajoute « l’économie » au sens de gestion des centaines d’images qui composent son œuvre.
Certains artistes, comme Rudolf Bonvie, ont choisi quant à eux de traquer les incidences des événements politiques sur les marchés financiers. D’autres comme, Jürgen Nefzger se sont concentrés sur la crise immobilière qui frappe des pays comme l’Espagne et Alfredo Jaar sacralise la banqueroute de Lehman Brothers.
"Residencial", 2012 et " Vall Fosca", 2015 de Jürgen NEFZGER - Courtesy de l'artiste © Photo Éric SIMON
Construire, analyser les systèmes économiques
Quand Gilles Mahé lance « Gilles Mahé et associés » ou bien le journal Gratuit ou la série des « Prix choc », c’est son propre système économique qu’il met en place pour devenir l’objet même de son œuvre. Non sans humour, Yves Trémorin n’hésite pas a tout bonnement créer une vertigineuse boutique de produits dérivés. Benjamin Loyauté, quant à lui, renverse tout bonnement l’ordre des valeurs pour repenser le bien commun et introduire la notion de don. On peut souligner que son installation et son film présentés dans l’exposition font une large place à la Syrie et sa survie immatérielle.
Si, depuis Adam Smith, des traités d’économie voient de plus en plus le jour, certains artistes ont cherché à formaliser plus avant leur pensée. Allan Sekula, à la fois photographe et théoricien, entre texte et image, propose une mise en relation du capitalisme industriel et de la photographie et une de ses œuvres sera présente dans l’exposition.
"BREIZHTORYTHM", 2008 de Yves TRÉMORIN- Courtesy de l'artiste et Collection FRAC Bretagne © Photo Éric SIMON
"Travailler plus pour gagner plus", 2008 de Allan SEKULA - Courtesy de l'artiste et de la galerie Michel REIN - Paris © Photo Éric SIMON
"A Golden Bean Standart" In Scupture de Performance", 2022 de Benjamin LOYAUTÉ - Courtesy de l'artiste et Rubis Mécénat © Photo Éric SIMON
Des métaphores dérangeantes ou conceptuelles
En proposant la pratique de la reprise, cette façon un peu désuète de prolonger la durée des vêtements usagers, en intervenant aussi sur les pages vierges d’un livre de compte, Blanca Casas Brullet déploie tout un jeu subtil et poétique qui invite à une autre lecture des mécanismes économiques. Tony Oursler use, par contre, de technologies numériques pour faire parler les portraits des billets de banque et donner un sens nouveau à ce qu’on appelle la valeur faciale.
Dans un tout autre contexte, ce même billet de banque fait aussi une apparition dans l’œuvre éblouissante et vertigineuse de Anne et Patrick Poirier : un lustre où le luxe des pampilles côtoie des couteaux aux lames ensanglantées. Enfin, la table de billard de Vera Röhm, en incarnant nos rapports à l’espace et au temps, nous invite à une lecture méditative des flux et des échanges qui mènent le monde.
De nombreux autres artistes ont « pensé » ou fait intervenir l’économie dans leur travail : Andy Wahrol, Yves Klein, Hans Haacke, Andreas Gürsky… Il fallait faire des choix, sortir des circuits habituels de l’ « économie » des expositions, parfois couteuse et contraignante. Si tant d’artistes ont choisi de faire intervenir dans leur travail, de façon plus ou moins construite, cette notion d’économie, on peut s’interroger sur l’efficacité et les limites de leurs démarches. Les artistes peuvent-ils être les guides d’un nouvel ordre économique ou plus simplement n’appartiennent-ils pas déjà à l’histoire de l’économie ?
Cette question, avec d’autres, fera l’objet d’une série d’interventions qui aura lieu au cours de l’après-midi du samedi 15 mars 2025, à Topographie de l’art. Comme pour chaque exposition, Topographie de l’art publiera un catalogue qui viendra en enrichir et prolonger le propos. Celui consacré aux artistes qui pensent l’économie sera le 53e de la collection.
- Françoise Paviot
TOPOGRAPHIE DE L’ART
15, rue de Thorigny
75003 Paris
www.topographiedelart.fr
Jours et horaires d’ouverture : Du mardi au samedi de 14h à 19h