Exposition Solo Dhow: ORLAN «Striptease historique»
"Corps - Sculpture en perspective sur socle N°8", 1965 de ORLAN - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Ceysson & Bénétière
Du 18 février au 21 mars 2021
«Tout mon travail ou presque est entre “bordel et cathédrale“» ORLAN
En 1964, ORLAN est une jeune fille de 17 ans qui s’invente elle-même, en se photographiant sur son drap de trousseau. Ce dernier a été sagement élaboré par sa mère, couturière à ses heures, épouse d’un mari anarchiste, espérantiste et naturiste qui travaille dans l’électricité.
Dans son œuvre manifeste ORLAN accouche d’elle-m’aime, où elle apparaît face à son alter ego, mannequin, elle prend les poses d’une adolescente qui s’ennuie à une terrasse de café. Sa bouche boudeuse est relevée par un sémillant rouge à lèvres, le regard charbonneux fixe un point en hors-champ vers un horizon prometteur loin de Saint-Étienne.
"ORLAN accouche d'elle-m'aime", 1964 de ORLAN - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Ceysson & Bénétière © Photo Éric Simon
En attendant, ORLAN s’essaie à la poésie, elle publie un recueil pour ses 15 ans et en conservera le witz, l’esprit, tout au long de son œuvre. Elle s’ouvre au théâtre, au yoga, à la sculpture et à la peinture. Dans un joyeux bazar, elle se disperse et expérimente un répertoire de postures qui mettent à mal une certaine tradition du nu... féminin. Aux mimiques de l’adolescente s’ajoutent les formes étrangement symétriques et contrariées des poupées de Hans Bellmer, apparues pour la première fois trente ans plus tôt, dans une Allemagne fasciste.
Les assemblages bellmeriens mis en scène dans des cages d’escalier ou sur les draps de lit défaits - qualifiés pendant les années sombres de «dégénérés» - ne sont pas sans a"nités visuelles avec les premières photos d’une jeune femme qui observe la disparition d’une des dernières comètes avant-gardistes européennes, le surréalisme.
Loin de la scène parisienne, ORLAN n’a pas le privilège - de classe et de genre - d’appartenir à des groupes ou des bandes d’artistes qui sont pour la plupart l’expression la plus intense de la culture de l’entre-soi masculin, que ce soit les nouveaux réalistes ou les surréalistes qui manient avec trop de sérieux la naissance d’un nouveau mouvement et sa dissolution. Qu’importe! Les récits indociles et émancipateurs de Simone de Beauvoir, de Françoise Sagan, de Colette ou encore de Jean Genet ont propagé l’onde de choc du libre arbitre, que tou.te.s peuvent exercer sans distinction de race, de classe, de genre et de sexualité: on ne naît pas insoumis.e.s, on le devient.
"Strip-tease occasionnel à l'aide des draps du trousseau, -1", 1974 de ORLAN - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Ceysson & Bénétière © Photo Éric Simon
Détail "Strip-tease occasionnel à l'aide des draps du trousseau, -1", 1974 de ORLAN - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Ceysson & Bénétière © Photo Éric Simon
Ce message, ORLAN se l’est très tôt approprié – bien avant la création du MLF en 1971 – en se constituant un panthéon d’idées anarcho-féministes. Encore fallait-il lui donner corps, chair pour mieux le célébrer et le partager: «Ceci est mon corps» a dans ce contexte une tout autre résonnance, à mi-chemin entre la maison de passe et la sacristie.
Pas si loin de l’irrévérence surréaliste d’un Hans Bellmer ou de l’appel libertaire d’un Pierre Molinier ou encore d’un Clovis Trouille, ORLAN continue de nous tancer de toute sa hauteur.
La série Nu descendant l’escalier avec talons compensés (1967) nargue cependant les avant-gardes passées, révolues pour cette ORLAN naissante. Enfin, les corps de jeunes femmes ne sont plus des représentations qui nourrissent des fantasmes convenables ou tristement honteux.
"Tentative pour sortir du cadre à visage découvert", 1966"Strip-tease occasionnel à l'aide des draps du trousseau, -1", 1974 de ORLAN - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Ceysson & Bénétière © Photo Éric Simon
Ces corps deviennent grâce à ORLAN des manifestes post-surréalistes. Des émanations du Théâtre de la cruauté d’Artaud qui, par leur incongruité, leur humeur rageuse, pèsent de tout leur poids, leur généreuse pilosité, leurs étranges ombres portées. Dans ce sens, les masques grotesques qu’arbore ORLAN, dans sa série de Tentative de sortir du cadre (1965) par exemple, sont des majeurs levés contre l’hypocrisie religieuse qui règne autant sur l’érotisme à la papa que sur l’injonction à devenir mère.
ORLAN prendra très vite une autre orientation : «Artiste, je n’ai qu’une issue: me vendre. Il faut faire face à cette situation. Je fonce. Je vais trouver monsieur Untel, je lui propose mon corps tout en lui exposant mon travail.» Face au cynisme du marché de l’art et à la morale bourgeoise des institutions artistiques, ORLAN a"che la posture politique de l’artiste-putain non sans y prendre beaucoup de plaisir.
De cette considération naîtront deux œuvres majeures: la série de pièces qui s’articulent autour de ses draps de trousseau maculés de sperme par ses amants (1968-1975) et Le Baiser de l’artiste (1976-77) qui la fera renvoyer de son poste d’enseignante à Lyon.
"Tentative de sortir du cadre avec masque et un seul bras version 2", 1965"Strip-tease occasionnel à l'aide des draps du trousseau, -1", 1974 de ORLAN - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Ceysson & Bénétière © Photo Éric Simon
Ce statement devance les performances féministes de Lynda Benglis. Quelques années après ORLAN, VALIE EXPORT et Judy Chicago se rebaptisent: d’une marque populaire de cigarettes pour la première et de sa ville natale pour l’autre.
L’œuvre d’ORLAN, longtemps réduite à la catégorie «art corporel», a été amputée de sa dimension conceptuelle. Pourtant c’est bien dans la lignée de sa désobéissance anarcho-féministe et de son libre arbitre qu’ORLAN déploie très tôt, dès 1964, ses actions spontanées Action Or-lent: les marches au ralenti dite au sens interdit. Elles seront séminales quant aux MesuRages, performances aux formes processuelles et aux contenus politiques, devenues aujourd’hui iconiques.
Géraldine Gourbe, janvier 2021.
"Action OR-LENT: les marches au ralenti dites au sens interdit", 1964 de ORLAN - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Ceysson & Bénétière © Photo Éric Simon
"Nu descendant l'escalier avec talons compensés", 1967"Strip-tease occasionnel à l'aide des draps du trousseau, -1", 1974 de ORLAN - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Ceysson & Bénétière © Photo Éric Simon
ORLAN est née en 1947, à Saint-Etienne , France Elle vit et travaille à Paris, France Emblématique de l’intérêt que les artistes contemporains ont porté à la performance et aux possibilités d’utiliser leur corps comme médium de création, ORLAN se singularise par ses pratiques multiples. Interrogeant les représentations de l’art, des genres, de la sexualité et du sujet, cette artiste à l’envergure internationale n’a cessé de mettre en jeu son apparence et son identité pour se réinventer au fil d’un travail continu de « sculpture de soi ». Formée au conservatoire d’art dramatique et à l’école des beaux-arts (actuelle ESADSE) de Saint-Étienne, elle s’illustre dès l’âge de 17 ans dans des performances, où elle cite des œuvres classiques qu’elle rejoue lors de tableaux vivants.
En 1977, elle investit la FIAC de Paris avec "Le Baiser de l’artiste". Assise derrière une photographie de son buste nu, elle vend des baisers aux visiteurs ou les invite à offrir un cierge à son image en madone. L’installation, qui superpose femme sacrée – sainte ORLAN – et femme objet – ORLAN- corps –, fait scandale et lui vaut d’être renvoyée de son poste d’éducatrice. Dès cette première époque, sa création avance en revisitant ses propres œuvres ; une majorité de ses performances et des pièces qui en dérivent entrent dans des séries au long cours.
Galerie Ceysson & Bénétière
23, rue du Renard
75004, Paris
France
https://www.ceyssonbenetiere.com
Jours et horaires d’ouverture : du mardi au samedi de 11h à 19h.
Exposition Solo Show: ORLAN avant ORLAN - ACTUART by Eric SIMON
"ORLAN avant Sainte ORLAN", 1988 de ORLAN - Courtesy Galerie Ceysson & Bénétière © Photo Éric Simon Du 18 Octobre au 8 Décembre 2018 La galerie Ceysson & Bénétière est heureuse d'annoncer ...
http://www.actuart.org/2018/11/exposition-solo-show-orlan-avant-orlan.html