LOVE CURLY « Love Curly »
Détail "Look at me", 2022 de LOVE CURLY - Courtesy de l'artiste et de la STOUK Gallery Paris © Photo Éric Simon
Du 3 février au 4 mars 2023
Un peu à l’image de ses dessins, petits, ou grands formats, Love Curly nous inspire un sentiment partagé entre euphorie et timidité maladive. C’est une ambiguïté qui ressemble à notre époque, et qui plus est, à celle de cette artiste qui en février 2022 se retrouve contrainte à fuir son pays (Ukraine) avec une simple valise et quelques effets personnels en poche, dont le dessin.
Comme elle a pu me le confier lors de notre rencontre, ce dessin, ses couleurs, ses yeux, ses nœuds, ses grands sourires, cette ambivalence dans le trait, c’est la seule chose que nul n’a pu lui retirer.
"Look at me", 2022 de LOVE CURLY - Courtesy de l'artiste et de la STOUK Gallery Paris © Photo Éric Simon
"Holidays", 2022 de LOVE CURLY - Courtesy de l'artiste et de la STOUK Gallery Paris © Photo Éric Simon
"Holidays, Golden years, Be safe, Face to face, Feel free", 2022 de LOVE CURLY - Courtesy de l'artiste et de la STOUK Gallery Paris © Photo Éric Simon
Dessinatrice, Love Curly travaille principalement dans la mode lorsqu’elle vit encore en Ukraine. Pour des marques, elle dessine des motifs, elle imagine des collections, leurs couleurs et leurs formes. C’est ce qu’on retrouve immédiatement dans son style, un habillement complet. C’est également pour cette raison que certaines de ses œuvres se composent comme des trompe l'œil.
En effet, l’artiste convoque de manière récurrente des formes animales ou des insectes, tels que le papillon, ou la coccinelle. Les grands yeux qui connotent aussi bien une inquiétante étrangeté qu’une joie éhontée et que l’on retrouve d’un dessin à l’autre rappellent notamment les ocelles, ces motifs qui paraissent sur les ailes de papillons. Comme des grands yeux, les ocelles imitent leurs prédateurs afin de les protéger.
Une parade de survie qui pourrait ici faire écho à l’utilité première d’un vêtement, conçu d’abord pour nous protéger, avant de nous créer une identité de toute pièce. Une seconde peau.
"Mushroom Mistress" et "Dreams come true", 2020 de LOVE CURLY - Courtesy de l'artiste et de la STOUK Gallery Paris © Photo Éric Simon
"In touch", 2022 de LOVE CURLY - Courtesy de l'artiste et de la STOUK Gallery Paris © Photo Éric Simon
C’est ainsi que les dessins sont disposés dans l’espace. Telle une seconde peau pour cette artiste en exil, forcée au dénuement politique et social. Ce sont ces couleurs vives et ses formes ambivalentes qui la protègent. Elles reflètent sa réalité : une condition en proie à une réalité politique et d’actualité, dont il est alors difficile d’échapper sans qu’on y soit identifié.
Le dessin permet aussi bien à Love Curly de se protéger que de s’affirmer à travers cette nouvelle réalité. Basés principalement sur ses émotions, ses dessins lui permettent en partie de garder une connexion avec le reste du monde malgré la violence qui le constitue.
"Curly hair", 2020 de LOVE CURLY - Courtesy de l'artiste et de la STOUK Gallery Paris © Photo Éric Simon
"Love in her eyes", 2020 de LOVE CURLY - Courtesy de l'artiste et de la STOUK Gallery Paris © Photo Éric Simon
"She knows well", 2021 de LOVE CURLY - Courtesy de l'artiste et de la STOUK Gallery Paris © Photo Éric Simon
Si la pastel et les tons employés pour le dessin provoquent une douceur immédiate, il s’y cache pourtant une certaine violence. Assez organique et puissant, l’érotisme qui se dégage du travail de Love Curly met en lumière aussi bien le bruit, que le silence qui ponctuent notre époque.
L’artiste est tentée d’adoucir la réalité mais tient tout autant à provoquer le regard, à travers ses collages et un emprunt surréaliste, sur la violence qui traverse sa vie. C'est cette tension qui crée l'œuvre.
"Keep shining, Nina", 2022 de LOVE CURLY - Courtesy de l'artiste et de la STOUK Gallery Paris © Photo Éric Simon
"Wet girl, with pleasure series", 2021 de LOVE CURLY - Courtesy de l'artiste et de la STOUK Gallery Paris © Photo Éric Simon
En effet, l'œuvre de Love Curly procède comme une thérapie, au soin et au dépassement de soi. Rassemblés à la galerie Strouk, soit dans un même lieu assez grand pour les accueillir pour la première fois depuis l’exil de l’artiste, ils sont pour elles dans cet espace comme une maison dans laquelle elle nous invite à partager cette réalité sous tension. Ainsi, elle s’empare de l’espace de la galerie, dans lequel elle se sent en sécurité, entourée de ses rêves qui tirent entre limbes et réalité.
Texte de Chloé Bonnie More.
STOUK Gallery
2 Avenue Matignon
75008 Paris
France
https://www.stroukgallery.com
Jours et horaires d’ouverture : du Lundi au Samedi de 10h30 à 19h.