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L'ACTUALITÉ DES EXPOSITIONS ET DES FOIRES INTERNATIONALES D'ART CONTEMPORAIN À PARIS ET EN ÎLE-DE-FRANCE. EXHIBITION IN PARIS

17 Feb

CLEAR HISTORY

Publié par Eric SIMON  - Catégories :  #Expo Collective Contemporaine, #Expo Peinture Contemporaine, #Expo Sculpture Contemporaine

"Apple Circle", 2025 de Marius STEIGER - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN © Photo Éric SIMON

"Apple Circle", 2025 de Marius STEIGER - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN © Photo Éric SIMON

Du 1er février au 1er mars 2025

 

 

 

 

Artistes présentés : Cornelia BALTES, Ry David BRADLEY, Frank BRECHTER, Tammi CAMPBELL, Salomé CHATRIOT, Maja DJORDJEVIC, Oli EPP, Matthew HANSEL, Christopher HARTMANN, Alison JACKSON, Sally KINDBERG, Cary KWOK, Simon LINKE, Harrison PEARCE, Ally ROSENBERG, Devan SHIMOYAMA, Ben SPIERS, Marius STEIGER, Liao WEN

curated by Oli EPP

 

 

 

Perrotin présente Clear History , une exposition collective créée par l’artiste Oli Epp, qui met en scène une conversation visuelle entre l’effacement numérique et la permanence matérielle, l’authenticité et l’artifice, le tabou et le prestige.

 

L’expression « Clear History » (effacer l’historique) fait partie d’un lexique plus large d’expressions courantes relatives au web, et fait référence à nos rituels numériques quotidiens. Des termes comme « cloud », « hotspot », « portal » (portail) et « window » (fenêtre) convoquent des impressions de légèreté éthérée et de transcendance technologique. Ces mots promettent transparence et transformation, alors même qu’ils masquent le poids de leur propre infrastructure physique. « Clear » se fait à la fois verbe (effacer) et adjectif (effacé, vide), suggérant tant l’obstruction que la transparence, l’effacement que la visibilité.

 

"VIP", 2025 de Sally KINDBERG - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN © Photo Éric SIMON

"VIP", 2025 de Sally KINDBERG - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN © Photo Éric SIMON

"Charline von Heyl, 2021 de Simon LINKE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN © Photo Éric SIMON

"Charline von Heyl, 2021 de Simon LINKE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN © Photo Éric SIMON

L’histoire résiste pourtant à un traitement si désincarné : elle est brouillonne, traversée de contradictions et de demi-vérités que l’on ne peut effacer d’un simple clic. À cette époque où la technologie nous promet de modifier, réviser et réinventer notre passé pour en faire quelque chose d’aussi fin qu’un écran, ces œuvres révèlent ce qui dort sous la surface de nos tentatives d’effacement. Elles gravent, réinventent et figent des moments, un œil sur le passé et l’autre plissé vers un avenir marqué par l’incertitude.

 

 

 

Très familier des dynamiques d’effervescence et de contrainte du monde de l’art contemporain, Oli Epp a composé une exposition qui équilibre fluidité conceptuelle et rigueur formelle. Il en résulte un environnement où le support physique se réaffirme : il goutte, éclate, craque et fait de la buée sur nos lunettes, tout en nous parlant aussi avec subtilité des courants immatériels qui façonnent notre expérience contemporaine.

 

"Ball Pile ( Optimism )", 2025 de Marius STEIGER - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN © Photo Éric SIMON

"Ball Pile ( Optimism )", 2025 de Marius STEIGER - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN © Photo Éric SIMON

Cornelia Baltes démarre ce dialogue matériel par des œuvres qui oscillent entre abstraction et figuration. Ses compositions espiègles présentent des éléments corporels – bustes, yeux, seins – se dégageant de vifs aplats de couleur qui créent des images rémanentes, comme lorsqu’on continue de voir un objet imprimé sur notre rétine après en avoir détourné les yeux.

 

 

Ces formes apparemment simples, obtenues par l’application méticuleuse de pigments qui tour à tour révèlent ou cachent la toile brute, font écho au thème central de l’exposition : l’impossibilité d’un effacement total, où chaque tentative de nettoyage laisse sa propre marque.

 

"The Hermit and The Muse", 2024 de Matthew HANSEL - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN © Photo Éric SIMON

"The Hermit and The Muse", 2024 de Matthew HANSEL - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN © Photo Éric SIMON

"Bonsai Babes", 2025 de Sally KINDBERG - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN © Photo Éric SIMON

"Bonsai Babes", 2025 de Sally KINDBERG - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN © Photo Éric SIMON

Sally Kindberg poursuit cette exploration sur un terrain plus satirique : ses peintures capturent des fragments de corps grâce à des textures irisées, veloutées ou rappelant le latex, et qui nous parlent de la vie contemporaine dans ce qu’elle a d’impeccable et d’absurde à la fois.

 

 

 

Cet examen de l’authenticité et de la présence s’exprime différemment dans les toiles très soignées de Maja Djordjevic, qui transforment une esthétique pixellisée en enquêtes profondes sur l’identité. Ce jeu entre apparences et réalité irrigue aussi les photographies d’Alison Jackson : sa mise en scène de sosies de personnages politiques examine notre incapacité (ou notre réticence) à distinguer la vérité de la fiction dans notre monde saturé d’images.

 

"You know what this means, right?"; "What do you paint?"; "it means more that you can imagine !", 2023 et "There's got to be something better out there !", 2024 de Maja DJORDJEVIC - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN © Photo Éric SIMON

"You know what this means, right?"; "What do you paint?"; "it means more that you can imagine !", 2023 et "There's got to be something better out there !", 2024 de Maja DJORDJEVIC - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN © Photo Éric SIMON

"Elvis", 2024 de Tammi CAMPBELL - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN © Photo Éric SIMON

"Elvis", 2024 de Tammi CAMPBELL - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN © Photo Éric SIMON

Des œuvres comme Elvis de Tammi Campbell viennent ajouter d’autres couches à cette exploration de l’iconographie culturelle. Vue à travers une épaisseur plissée de papier bulle, ce visage familier devient à la fois protégé et déformé. Le travail de l’artiste crée une collision temporelle entre passé et présent, et l’éclatement si satisfaisant de cet emballage devient une métaphore des couches qui simultanément préservent et déforment notre relation aux images, aux icônes et à la mémoire.

 

 

 

L’investigation de la présence et de l’absence au sein de l’exposition prend une dimension viscérale avec des œuvres qui explorent les formes hybrides et la transformation de la matière. Les silhouettes déformées de Benjamin Spiers marquent une évolution vers des visions plus métamorphes du corps. Ses formes tordues et lumineuses sont au carrefour de la sculpture classique et de la science-fiction ; leurs anatomies impossibles évoquent des êtres au seuil de la référence historique et d’un futur hallucinatoire.

 

 

"Honey time", 2024 de Salomé CHATRIOT - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN © Photo Éric SIMON

"Honey time", 2024 de Salomé CHATRIOT - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN © Photo Éric SIMON

Les courbes exécutées par Salomé Chatriot, présentant une surface froide, incarnent dans des totems contemporains l’enchevêtrement de nos désirs et de notre existence physique.

 

 

 

Dans le travail de Harrison Pearce, une sphère semblable à une perle est nichée dans un abri ergonomique et nous parle de la transformation en te de la matière en sens, par l’intermédiaire de la relation réciproque entre forme organique et intention architecturale.Les éléments sculptés à la main par Liao Wen et les surfaces aux finitions automobiles d’Ally Rosenberg offrent un contraste entres formes dentues et tentaculaires, allant encore plus loin dans le dialogue entre nature et invention.

 

"Tender residue #2", 2024 de Liao WEN - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN © Photo Éric SIMON

"Tender residue #2", 2024 de Liao WEN - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN © Photo Éric SIMON

"Morning Person", 2024 de Ally ROSENBERG - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN © Photo Éric SIMON

"Morning Person", 2024 de Ally ROSENBERG - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN © Photo Éric SIMON

L’exposition culmine dans un paysage onirique de formes familières tout juste reconnaissables, où des présences fantomatiques s’attardent dans les espaces négatifs – échos persistants de rires, chaleur qui s’estompe, idées lumineuses qui s’étiolent au fil du temps. Comme les artefacts numériques qui refusent d’être complètement effacés, ces traces persistent, laissant une traînée qui mène à la fois vers l’avant et vers l’arrière.

 

 

Les peintures photoréalistes de Christopher Hartmann matérialisent cet aspect éthéré grâce à des couches successives de peinture à l’huile qui rappellent les processus numériques ; leurs contrastes entre tons chauds et froids jouent sur les plis soyeux des draps, évoquant la chaleur de corps désormais absents. Ces œuvres capturent des moments suspendus, hors du temps, chaque toile témoignant de la possibilité de contenir des états contradictoires.

 

"Don't dream it's over", 2025 de Christopher HARTMANN - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN © Photo Éric SIMON

"Don't dream it's over", 2025 de Christopher HARTMANN - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN © Photo Éric SIMON

"Stream", 2024 de Devan SHIMOYAMA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN © Photo Éric SIMON

"Stream", 2024 de Devan SHIMOYAMA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN © Photo Éric SIMON

Dans cette contemplation de la présence et de l’absence, les portraits multi-techniques monumentaux de Devan Shimoyama règnent sur l’espace avec leur autorité sensuelle et leur abondance de matériaux. Dans des œuvres comme Spray et Stream, il transforme des gestes intimes en moment de beauté transcendantale grâce à sa manipulation très maîtrisée de la peinture à l’huile, des paillettes et des strass, créant des portails où s’entrechoquent désir et transformation.

 

 

"Such A Sleep They Have, The Ones We Love - So Peaceful In Their Worlds Unknown, " de Matthew HANSEL - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN © Photo Éric SIMON

"Such A Sleep They Have, The Ones We Love - So Peaceful In Their Worlds Unknown, " de Matthew HANSEL - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN © Photo Éric SIMON

"Man Powered", 2020 de Cary KWOK - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN © Photo Éric SIMON

"Man Powered", 2020 de Cary KWOK - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN © Photo Éric SIMON

Les artistes de l’exposition Clear History dialoguent à travers divers médiums et méthodologies ; leurs œuvres forment une constellation de réponses à notre condition contemporaine. Tout comme le jargon du web qui a inspiré son titre, cette exposition joue avec les sens que peuvent prendre transparence et opacité. Les œuvres présentées affirment leur matérialité avec entêtement, coulent, brillent, s’étirent et se transforment. Comme l’histoire elle-même, elles refusent les promesses faciles formulées par notre lexique numérique. Dans chaque cloud, portail ou fenêtre réside un monde physique profondément dépendant de nos sens. Tandis que nous nous résignons à l’hallucination, nous nous apercevons que nous nous adaptons à cette simulation, et même que nous l’apprécions.

 

Ces œuvres nous rappellent pourtant qu’il n’existe aucune véritable séparation entre l’existence matérielle et virtuelle, seulement un cycle infini entre effacer et laisser des traces, où le toucher et la vue, la présence et l’absence deviennent impossibles à distinguer l’un ou l’une de l’autre.

 

 

- Anitra Lourie, chercheuse à Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Galerie PERROTIN

10, impasse Saint Claude
75003 Paris

France

 

 

https://www.perrotin.com/

 

 

 

Jours et horaires d’ouverture : du mardi au samedi de 11h à 19h.

 

 

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