Rayan YASMINEH « Rencontre avec le Zéphyr »
Détail "1258", 2025 de Rayan YASMINEH - Courtesy de l'artiste et de la Galerie MOR CHARPENTIER © Photo Éric SIMON
Du 1er février au 1er mars 2025
Pour sa première exposition personnelle chez mor charpentier, Rayan Yasmineh met en scène la rencontre de deux mondes, et instaure un dialogue entre Orient et Occident où l’histoire familiale côtoie le mythe.
Ses peintures, dans lesquelles se mêlent iconographie ancienne et éléments de la réalité quotidienne, illustrent une identité plurielle, arabe et européenne, nourrie d’échanges culturels et d’héritages partagés. Ensemble, les œuvres jalonnent un itinéraire, du proche Orient jusqu’à la France, qui interroge la notion de frontière et invite à repenser l’idée même d’identité.
"Deux séances: la question, les courtisanes", 2025 de Rayan YASMINEH - Courtesy de l'artiste et de la Galerie MOR CHARPENTIER © Photo Éric SIMON
"Séance: le fou", 2025 de Rayan YASMINEH - Courtesy de l'artiste et de la Galerie MOR CHARPENTIER © Photo Éric SIMON
L’exposition s’ouvre sur la confrontation entre deux représentations géographiques, qui pose d'emblée la question du point de vue. La première est un agrandissement d’une carte de la France réalisée au XIIème siècle par le géographe arabe Al-Idrissi ; la seconde est une reproduction du proche Orient vu par le cartographe français Joseph Bongars au XVIe siècle. Accompagnées d’archives familiales datant du mandat britannique en Palestine — une photo, la couverture d’un passeport, le devoir d’école d’une grand-tante paternelle — ces deux cartes témoignent d’une multiplicité des perceptions, et remet en cause la logique coloniale.
Le portrait de Judith devant le siège de Bethulie souligne lui aussi la dualité dont se réclame l’artiste. En alliant des références iconographiques empruntées à l’art italien du XVIe siècle, et d’autres objets rattachés à son expérience personnelle — telles que les broderies traditionnelles que porte l’héroïne sur son épaule —, Rayan Yasmineh réinterprète ce classique de la peinture religieuse européenne au prisme de son rapport intime à la Palestine.
"Le siège de Béthulie", 2024 de Rayan YASMINEH - Courtesy de l'artiste et de la Galerie MOR CHARPENTIER © Photo Éric SIMON
"27 novembre 1948 / 263077", 2025 de Rayan YASMINEH - Courtesy de l'artiste et de la Galerie MOR CHARPENTIER © Photo Éric SIMON
Le tapis persan en arrière plan se déploie sur les murs de la seconde salle d’exposition et sert de fil conducteur visuel. Ce qui n’est au départ qu’ornement devient une matrice, e support initial sur lequel reposent certaines peintures. Là encore, plusieurs répertoires cohabitent et se superposent : le vocabulaire des mille fleurs médiévaux contraste par sa matité avec la brillance des personnages empruntés aux miniatures d’Al-Wasiti, artiste irakien du XIIIe siècle.
Ces figures agrandies et réinterprétées avec un geste et une technique propres à la peinture occidentale, évoquent la vie à Bagdad avant la destruction de la ville par les Mongols en 1258.
"Cartographie de la France (selon Al-Idrissi)", 2025 de Rayan YASMINEH - Courtesy de l'artiste et de la Galerie MOR CHARPENTIER © Photo Éric SIMON
"1258", 2025 de Rayan YASMINEH - Courtesy de l'artiste et de la Galerie MOR CHARPENTIER © Photo Éric SIMON
La dernière grande toile de l’exposition, sur laquelle se détache la figure imposante d’un calife, achève ce mélange des genres entre miniature persane, peinture flamande, images d’archives ou références au jeu vidéo. Titrée 1258, elle dresse un parallèle entre le sac de Bagdad par les Mongols et l’invasion Américaine de 2003. Cette analogie invite à une réflexion sur la représentation du Moyen Orient dans les nouveaux médias culturels occidentaux, et montre comment cet imaginaire collectif continue d’être façonné par le traitement informationnel des conflits récents.
En mettant en lumière des objets orientaux issus des collections françaises — la carte d’Al-Idrissi, les miniatures d’Al-Wasiti, le lion de bronze aux pieds du calife —, et en puisant dans sa propre mythologie familiale, Rayan Yasmineh souligne les liens intimes et complexes qui unissent la France et le monde arabe, depuis la colonisation jusqu’au refus plus récent de prendre part aux opérations militaires en Irak.
Ses œuvres portent ainsi la trace d’une histoire violente et mouvementée, autant qu’amicale et complice. Une histoire qui rappelle que tout le pourtour méditerranéen s’inscrit dans un continuum culturel foisonnant, échappant largement aux logiques identitaires qui affligent aujourd’hui certains discours.
Galerie MOR CHARPENTIER
18 rue des Quatre Fils
75003 Paris
https://www.mor-charpentier.com/fr/
Jours et horaires d’ouverture : du mardi au samedi de 11h à 19h.