"Ascoli Piceno", 1958 de J.H Lartigue - Courtesy Ministère de la Culture - France
Du 24 Juin au 23 Aout 2015
« Depuis que je suis petit, j’ai une espèce de maladie : toutes les choses qui m’émerveillent s’en vont sans que ma mémoire les garde suffisamment », écrit Lartigue dans son journal de l’année 1965. Il n’en faut pas plus à Lartigue pour glaner et collectionner dès l’âge de 8 ans et pendant 80 ans ces milliers d’instants fugitifs.
Ce n’est qu’en 1963 que Jacques Henri Lartigue qui a déjà 69 ans; expose pour la première fois au Museum of Modern Art de New York quarante-trois des quelque 100 000 clichés réalisés au cours de sa vie. La même année, le magazine Life lui consacre un portfolio qui fait le tour du monde. Il devient alors immédiatement célèbre pour ses clichés noir et blanc de la Belle Epoque et des années folles (femmes élégantes au Bois de Boulogne, courses automobiles, début de l’aviation…).
"Bibi à l'ile de Saint-Honorat, Cannes", 1927 de J.H Lartigue - Courtesy Ministère de la Culture - France
À son grand étonnement, Lartigue le dilettante devient du jour au lendemain l’un des grands noms de la photographie du XXe siècle, lui qui se croyait peintre.
L’exposition “Lartigue, la vie en couleurs“, présentée à la Maison Européenne de la Photographie du 24 juin au 23 août 2015, dévoile un pan inédit de son oeuvre. Bien que la couleur représente plus d’un tiers de la totalité de ses clichés, celle-ci n’a jamais été montrée ou exposée en tant que telle. Il s’agit d’une réelle découverte pour le public, non seulement parce que les photos présentées le sont pour la première fois ou presque mais aussi parce qu’elles révèlent un Lartigue inconnu et surprenant.
"Les mains de Florette, Brie le Néflier, juin", 1961 de J.H Lartigue - Courtesy Ministère de la Culture - France
"Florette, Mégève", mars 1965 de J.H Lartigue - Courtesy Ministère de la Culture - France
Lartigue a pratiqué la couleur à deux périodes de sa vie, parcours de l'exposition.
De 1912 à 1927 : Les autochromes
Ils sont rares et précieux. Une trentaine sur les 87 conservés à la Donation Lartigue sont montrés dans l’exposition.
Les premiers autochromes de Lartigue, à partir de 1912, montrent de Lartigue sa vie de jeune homme oisif et créatif, au sein de sa famille. Les jeux au château de Rouzat, les sports d’hiver, les promenades dans la nature sont autant d’occasions de se mettre en scène (au déclencheur) avec toute la palette des couleurs de la vie.
Dans les années 1920, c’est son épouse Bibi qui apparaît comme son modèle préféré. Sous le soleil de la Riviera, Lartigue en fait des images posées qui ressemblent à des tableaux, tant par le choix intimiste des sujets que par les jeux de lumière et de transparence.
Les saisons
« Je suis amoureux de la lumière, je suis amoureux du soleil, je suis amoureux de l’ombre, je suis amoureux de la pluie, je suis amoureux de tout. » Pour cet amoureux transi, la couleur du ciel est vitale. Toute l’année, tous les ans, Lartigue est attentif aux transformations de la nature qu’il exalte derrière son objectif et dont la couleur rend toutes les subtilités. Chaque saison l’inspire. En été, Lartigue se « gonfle de lumière ». C’est avec des images solaires qu’il suggère les grandes chaleurs, les ombres fraîches et les transparences. En automne, il conjugue l’eau, son élément privilégié, sous toutes ses formes : brume, brouillard, buée, pluie, inondations… Il aime aussi la neige, qui permet de prendre des images graphiques comme des estampes, ponctuées çà et là de touches de couleur vive. Enfin, l’arrivée du printemps met en transe cet homme qui, toute sa vie, s’est levé avec le soleil. Dans ses photographies comme dans sa peinture, c’est alors une véritable explosion de couleurs.
"Florette à la plage du Carlton, Cannes", juillet 1956 de J.H Lartigue - Courtesy Ministère de la Culture - France
"Florette, Venice", mai 1954 de J.H Lartigue - Courtesy Ministère de la Culture - France
À partir de 1949 : le film couleur
Après vingt ans de photographie en noir et blanc, Lartigue s’intéresse de nouveau à la couleur. Avec son Rolleiflex, il privilégie le format carré jusque dans les années soixante-dix tout en pratiquant avec son Leica le format 24x36.
Les obsessions
Toute sa vie, Lartigue a été collectionneur : collectionneur d’images, d’autographes, de conquê- tes, de records… Collectionneur de souvenirs, aussi, puisque c’est grâce à ses photographies qu’il peut conserver les instants de sa vie qui le rendent heureux.
Aussi certains sujets semblent-ils tourner à l’obsession. C’est ainsi que dans ses albums, on trouve des images de fleurs par centaines.Les coquelicots, en particulier, semblent éveiller en lui un bonheur singulier, qu’ils poussent librement dans un champ ou qu’ils s’épanouissent gracieusement dans un vase.
Il ne s’est jamais lassé non plus des brumes du matin sur la vallée qu’il aperçoit depuis sa fenêtre à Opio, donnant lieu, là encore, à toute une formidable collection d’images dont l’apparente répétition est le signe d’un bonheur sans cesse renouvelé.
Mais la première de toutes les obsessions s’appelle Florette. Une trentaine d’années de différences d’âge et quarante ans de vie commune : Jacques et Florette sont un modèle de couple amoureux pour ceux qui les fréquentent. Et à en juger par les albums des années 1950 et 1960, Florette est bien la muse de Lartigue, le leitmotiv de son oeuvre couleur.
"Sylvana Empain", Juan les Pins", août 1961 de J.H Lartigue - Courtesy Ministère de la Culture - France
"Florette dans la morgan, Provence", mai 1954 de J.H Lartigue - Courtesy Ministère de la Culture - France
La vie des autres
C’est le monde des années cinquante et soixante « trop beau pour être vrai ». C’est la couleur du formica, des tabliers d’écoliers, des parasols, le temps du pèlerinage à Lourdes… En couleur, Lartigue photographie volontiers des anonymes, des gens modestes qu’il croise sans les connaître. Et proche de ses amis riches – lui qui ne l’est plus –, il en fait des portraits plus intimes et toujours élégants.
Les voyages
A partir des années cinquante, pour la première fois de sa vie, Lartigue sort du circuit rituel de toutes les années passées, séjours dans les stations balnéaires de Normandie, du Pays Basque ou de la Côte d’Azur.
Il se lance d’abord à la découverte de l’Italie et des racines familiales de Florette, un monde populaire et solaire dont la frugalité répond à la sienne.
Puis dans les années soixante, c’est l’Amérique. Lartigue s’y émerveille comme un enfant, ivre de grands espaces. Fasciné, il envisage même de s’y installer. L’Amérique le lui rendra bien. Grâce à elle, il deviendra célèbre du jour au lendemain.
Martine d’Astier et Martine Ravache
Portrait de Jacques Henri Lartigue par Alice Springs
1894. Naissance de Jacques Lartigue le 13 juin à Courbevoie.
1986. Jacques Henri Lartigue meurt à Nice le 12 septembre, à l’âge de 92 ans.
Maison Européenne de la Photographie
5/7 rue de Fourcy,
FR-75004 Paris
http://www.mep-fr.org
Ouvert du mercredi au dimanche de 11h à 20h