Expo Peint(ure Contemporaine:Ida TURSIC & Wilfried MILLE «Bianco Bichon, Nero Madonna e altre distruzioni liriche»
"Le grand Incendie", 2017 de Ida TURSIC et Wilfried MILLE - Courtesy galerie Max Hetzler © Photo Éric Simon
Du 23 mai 2017 au 1 juillet 2017
Tout a commencé au début des années 2000 par un processus d’accumulation et une pratique empirique dans l’atelier et pourtant, pour Tursic et Mille, faire est avant tout penser, définir la manière dont ils fabriquent et pensent en peinture.
"Double Poodle", 2017 de Ida TURSIC et Wilfried MILLE - Courtesy galerie Almine Rech © Photo Éric Simon
"Félix Rey, Arles, 1930, 2017", 2017 de Ida TURSIC et Wilfried MILLE - Courtesy Galerie Max Hetzler © Photo Éric Simon
En référence au cours qui clôtura l’enseignement de Maurice Merleau-Ponty en 1960-61 au Collège de France, les artistes définissent cela comme une véritable lettre d’amour adressée à la peinture. Plus particulièrement, le primat de la perception, affirmé dans la phénoménologie du philosophe français, semble être devenu la matière du travail quotidien dans l’atelier des artistes à la fois dans l’exploration d’un langage qui se redéfinit chaque fois dans l’acte même de formuler une pensée nouvelle, et également dans la relation dynamique entre la cons- cience, le monde, l’histoire, les dynamiques interpersonnelles desquelles naissent leurs œuvres. Un art de faire (dans les mains) et de penser (dans la tête).
Et une peinture, qui aborde également la question du comment peindre à deux, avec les superpositions, interpénétrations, complémentarités et contradictions subséquentes d’un dédoublement constitutif. Une question de proximité et donc de réaction, de désir : « Le fait d’avoir deux têtes et deux mains droites peut s’avérer être très utile et ce dans de nombreuses situations ! ».
"Garçon de vache et peintre à l'occasion", 2017 de Ida TURSIC et Wilfried MILLE - Courtesy galerie Pietro Sparta© Photo Éric Simon
"Partitur Matthäus Passions Bach P25", 2017 de Ida TURSIC et Wilfried MILLE - Courtesy galerie Alfonso Artiaco © Photo Éric Simon
Une pratique théorique de la peinture, donc, qui détermine ce qu’il faut faire par le fait de penser à la manière de le faire, en accueillant le large spectre des possibilités qu’offre, en permanence, ce processus décisionnel, constamment ouvert et sollicité. En reproduisant principalement des images trouvées, la question n’est pas « ceci OU cela », mais plutôt « ceci ET cela », selon la logique de l’accumulation critique (ce qui est discuté et jugé, au cas par cas) et du mouvement perpétuel.
Ce qui signifie que les peintures de Tursic et Mille ne reflètent pas un style particulier, et qu’elles ne sont ni abstraites ni figuratives, mais tout au plus, les deux à la fois ; parce que chaque style et chaque sujet sont à « portée de mains », comme ils l’affirment eux-mêmes, car : « la peinture ne peut pas être un geste figé et déposé comme un brevet. Elle doit être ouverte à toutes les propositions que sa pratique produira, la peinture doit être opportuniste et consciente d’elle-même. »
"Bianco Bichon", 2017 de Ida TURSIC et Wilfried MILLE - Courtesy Galerie Max Hetzler © Photo Éric Simon
"Framed Landscape", 2017 de Ida TURSIC et Wilfried MILLE - Courtesy galerie Alfonso Artiaco © Photo Éric Simon
L’exposition de Tursic et Mille à la Fondation d’entreprise Ricard est une énième révision de ces propositions et une nouvelle lettre d’amour, ouverte et continue, à la peinture elle-même.
Dès son titre déjà, qui cite les deux couleurs opposées que sont le blanc et le noir, et la coexistence entre deux sujets, le Bichon (une race de chien) et la Madone (le plus classique des sujets picturaux) : le premier, par ailleurs, réalisé comme un tableau dans le tableau et le deuxième peint et puis brulé, résidu d’un processus de production qui, en même temps, propose et défigure (altère, élimine, ou tout du moins accouple, juxtapose) l’image préala- blement choisie.
Une autre œuvre présentée, une peinture xxl qui figure les ruines du panneau Hollywood, peinte à même les murs de l’atelier, comme dans une ancienne sinopia, porte les traces du travail des artistes, le fantôme des œuvres précédentes.
Ou encore le grand mur, à l’entrée, où transparaît l’image de l’atelier, suivi d’un mur recouvert de dizaines d’œuvres sur papier et sur toile : esquisses, croquis, projets, essais, textes et images... davantage de réflexions sur le fait de peindre un tableau plutôt que des tableaux en tant que tels, autrement dit le flux de l’acte de peindre plutôt que l’œuvre finie.
"Madonna Tempi (D'après Raffaello Sanzio 1508", 2017 de Ida TURSIC et Wilfried MILLE - Courtesy galerie Almine Rech © Photo Éric Simon
Une potentialité aussi cacophonique que joyeuse : une exposition et ses variantes possibles tout aussi innombrables, dont la dernière est peut-être ainsi presque exclusivement un hasard. Comme les images sur lesquelles se superposent d’autres versions. Ou les corps, les visages, les objets, les paysages surchargés de taches de couleur pure.
S’il est un esprit qui met en relation et distingue en même temps Tursic et Mille de la peinture contemporaine, c’est bien le mélange entre une sensibilité digitale poussée au paradoxe (jusqu’à en devenir objective et palpable) et une récupération du geste et de la matière ana- logiques qui se dématérialise dans ses variantes possibles, générant ainsi une succession d’oxymores : un pari calculé, un excès accueillant et confortable, un opportunisme généreux, une inconscience consciente, une expérimentation magistrale, une culture curieuse et fluctuante, le plaisir sans son explication, sans que ne soit dévoilé son mystère.
L’espace-temps du choix où, en articulant les catégories du mystérieux et du merveilleux, « une chose devient une œuvre d’art », comme l’a écrit Eric Troncy ; une œuvre qui nous donne la chance singulière de faire vraiment « l’inabordable expérience de l’art.»2. Une destruction lyrique systématique dans laquelle recomposer la forme du tableau et ré-enchanter l’expé- rience intellectuelle et perceptive de la peinture.
"Before becoming a nude or something else", 2017 de Ida TURSIC et Wilfried MILLE - Courtesy Galerie Alfobso Artiaco © Photo Éric Simon
"ABS014", 2015 - 2017 de Ida TURSIC et Wilfried MILLE - Courtesy Galerie Max Hetzler © Photo Éric Simon
Ida Tursic, née en 1974 à Belgrade, Serbie.
Wilfried Mille, né en 1974 à Boulogne-sur-mer, France. Ils vivent et travaillent à Dijon, France.
Lauréats du Prix Fondation d'entreprise Ricard 2009, décerné lors de l'exposition L'image cabrée, conçue par Judicaël Lavrador.
Représentés par les galeries Almine Rech, Paris, Pietro Spartà, Chagny, Max Hezler, Paris/Berlin et Alfonso Artiaco, Naples.
Fondation d'entreprise Ricard
12, rue Boissy d'Anglas
75008 - Paris,
https://www.fondation-entreprise-ricard.com
Jours et horaires d'ouverture: Du mardi au samedi de 11h à 19h.