25 Apr

Jacob KASSAY « Khiropractik »

Publié par Eric SIMON - Catégories : #Expo Peinture Contemporaine, #Expo Sculpture Contemporaine

"Untitled", 2024 de Jacob KASSAY - Courtesy de l'artiste et de la Galerie ART: CONCEPT © Photo Éric Simon

Du 4 avril au 18 mai 2024

Les œuvres de Jacob Kassay assimilent l’ensemble des conditions dans lesquelles elles s’exposent. Il en va de même des attentes que ces conventions ont suscitées à l’égard des productions de l’art comme d’autres types de marchandises, par exemple celles dont la désirabilité recèle une dose de mystère et une dose de frustration.

Cela vaut pour la série de monochromes réfléchissants produits par immersion des toiles dans un bain chimique électrifié. Présentés en 2010 à la galerie Art : Concept, ils connurent un succès commercial foudroyant lequel occulta peut-être la sophistication de cette approche critique de la peinture et de la fabrique des images dans le monde sensible contemporain.

"Untitled", 2024 de Jacob KASSAY - Courtesy de l'artiste et de la Galerie ART: CONCEPT © Photo Éric Simon

Même si à l’époque plusieurs critiques titraient « De l’autre côté du miroir », il y avait rarement d’autres références à Lewis Carroll dans le texte. Du reste, il était assez peu question d’émotions, d’anxiété, ni même d’humour.

Il conviendrait de donner ici des explications sur l’apparition subite et limpide du motif animalier dans un travail identifié sur la scène internationale de l’art du côté conceptuel de la peinture abstraite. En réalité, il existe des antécédents. En novembre dernier, l’artiste dévoilait à Montréal des photogrammes de caméléons et d’autres images réalisées à l’agrandisseur de l’animal qui fut à la fois emblème du camouflage et égérie de Kodak (1).

"Untitled", 2024 de Jacob KASSAY - Courtesy de l'artiste et de la Galerie ART: CONCEPT © Photo Éric Simon

Les objets zoomorphes en verre présentés à Art : Concept sont traversés de rayons lumineux. En cela, il sont objectivement des instruments optiques, et plus métaphoriquement, des dispositifs cinématographiques par procuration, à l’exemple des films “pickeld” de Tony Conrad, conservés à l’intérieur de bocaux remplis de vinaigre (1973-1974).

Lors de la première présentation de ces formes (2), un parallèle fut fait entre les quarante-six pieds dont est doté l’animal et le terme « footage » au cinéma, précisant une autre particularité anatomique du modèle : son œil est composé de milliers de lentilles photosensibles dont la vitesse d’obturation est réglable.

"Untitled", 2024 de Jacob KASSAY - Courtesy de l'artiste et de la Galerie ART: CONCEPT © Photo Éric Simon

Le titre de l’exposition à la galerie Art : Concept introduit un autre niveau de sens en insistant sur l’analogie formelle entre le corps de l’animal rampant et la colonne vertébrale humaine, en particulier quand elle est atteinte de scoliose. Il n’est pas anodin que la pratique de soin auquel réfère le titre ne soit pas une méthode douce.

A priori, le centipède possède peu de qualités inspirantes pour l’homme, que ce soit par ses modes de communication ou ses capacités de régénération. En cela, il est un assez mauvais candidat à l’allégorie zoologique dont se pourvoit une partie de la philosophie contemporaine afin d’envisager un futur meilleur. S’il diffère du mille-pattes, c’est principalement par son agressivité et son caractère vénéneux.

"Scientology Task force", 2017 de Jacob KASSAY - Courtesy de l'artiste et de la Galerie ART: CONCEPT © Photo Éric Simon

L’artiste m’a fait remarquer que si l’on avait ici des squelettes humanoïdes et qu’on les entouraient de chair, le résultat serait vraiment monstrueux.

Dans le chapitre intitulé « taxidermie bâclée » de The Postmodern Animal (London: Reaktion Books, 2000), Steve Baker suggère que l’animal abject a été convoqué dans les arts visuels en place de la figure humaine afin d’y accueillir les notions d’altérité et de fragmentation. Au début de notre siècle du développement personnel, au sein de la fracture de l’anthropocentrisme, Jacob Kassay met à distance les théories optimistes qui s’appuient sur des espèces résilientes.

- Julie Portier, 2024

(1) An Adverse possession of light, novembre 23 - février 2024, à 100 Bell towers, Montréal.
(2) Never Before Seen Footage of Woodstock, mai-juillet 2023 à la galerie Greta Meert, Bruxelles.

Galerie ART: CONCEPT

4, passage Sainte-Avoye

75003 Paris

https://www.galerieartconcept.com

Jours et horaires d’ouverture : du mardi au vendredi de 10h à 18h et le samedi de 11h à 19h.