Yan Pei-Ming : le portraitiste de la défiguration abstraite
Né à Shanghai en 1960, Yan Pei-Ming arrive à Dijon en 1980 à l'âge de 20 ans où il intègre l'école des Beaux-arts. Rendu célèbre par ses portraits de Mao traités en grisaille sur de grands formats traduisant avec fougue les traits de ses modèles, l'artiste décrit sa pratique de la peinture comme « une attaque, une détermination qui a un sens à la fois spirituel, moral mais aussi critique ». Pensionnaire à la Villa Médicis en 1993, il va alors concevoir une oeuvre monumentale, s'inspirant d'un conte chinois, Les 108 brigands, composé des portraits de son entourage à Rome et des visiteurs qu'il a reçus. C'est ainsi qu'il mêle avec talent l'histoire et l'actualité.
Sa technique de création
La réduction de la palette colorées (du noir au blanc en passant par le gris voir vermillon, la couleur porte bonheur) sert magnifiquement une véritable mise en abîme de la touche picturale. La gestualité faussement spontanée, les coulures, le repentirs, voire les évocations de la peinture académique chinoise, ont pour unique fonction de laisser flotter le motif, de lui ôter toute pesanteur. Que ce soit le portrait de Mao qui l'on fait connaitre, ceux de Bruce Lee ou de son oncle aveugle, de petits soudanais ou encore la longue série d'autoportraits.
Yan Pei-Ming lutte avec les moyens de la peinture contre ce que l'on pourrait nommer l'imagerie moderne. Il faut bien évidemment réduire le message, transformer chaque figure en icône pour ensuite mieux la creuser de l'intérieur. Il aime défier la matière (peinture), la performance est physique voire même sportive, il combat la toile blanche avec une gestuelle tonique muni de balai et pinceau gigantesque. Il frappe, fouette la toile dans une chorégraphie personnelle et nerveuse. Le résultat est grandiose par la dimension de ses tableaux et par l'énergie qu'elle dégage.
Pei Ming va délaisser en 1987 cet expressionnisme du corps nu, pour réintroduire des signes plus manifestes d'une appartenance chinoise. Ayant liquidé l'esthétique socialiste qu'il avait pratiquée dans le contexte de sa jeunesse, il se sent en mesure d'en revisiter les icônes. Il s'inspire de la défiguration de la peinture figurative, et elle n'est pas sans rappeler celle de Giacometti et autres artiste de l'après-guerre qui faisaient écho si brillamment aux thèmes existentialistes. Mais le style de Pei Ming , c'est l'anti-portrait, quand il fait un visage, il est tout à fait autonome et ne représente pas un personnage précis ce qui donne lieu à d'extraordinaires exercices de bravoure picturale qu'on reconnaîtra désormais comme son style.
Dans sa production plus récente, il s'est confronté à des oeuvres des maîtres du passé : Andrea Mantegna, Léonard de Vinci, Goya ou Jacques-Louis David.