L’Espace Louis Vuitton Paris poursuit son exploration du thème du fil et invite l’artiste franco-britannique Alice Anderson à s’imprégner du lieu pour une exposition inédite : DATA space. À l’heure de la virtualisation de la planète et de l’externalisation de notre mémoire, Alice Anderson vit comme une nécessité absolue de travailler sur un processus alternatif de mémorisation.
Le pressentiment que la révolution digitale se révélera aussi déterminante pour la mémoire humaine que l’a été l’invention de l’écriture l’a conduite à penser un « enregistrement du présent » à l’aide de fil de cuivre, voué à créer une nouvelle relation physique aux choses et à l’espace.
Le fil de cuivre est un matériau aux symboles forts. Sa conductivité permet la liaison et fait penser aux neurotransmetteurs du cerveau humain. Sa luminosité hypnotise et renvoie à l’étrange intensité du feu. Sa musicalité, née des entrechocs de la bobine qui se déroule au cours de performances de « tissage », invite à une danse avec l’invisible. Il appelle naturellement à la protection des objets, à leur momification pour « garder en mémoire ».
Alice Anderson a développé sa propre technique de « tissage » qui consiste à passer indéfiniment du fil de cuivre autour d'objets choisis au cours de performances rituelles. L’artiste, pieds nus, répète, seule ou en communauté, ce geste qui n’est jamais le même. Le fil de cuivre devient une extension du corps. Comme dans le rite primitif du feu, cette cérémonie est un moment de partage où chacun est invité à dessiner sa propre chorégraphie par ce geste universel.
La performance terminée, l’objet est comme momifié et laisse émerger la sculpture. Imprévisi- bles, les micro-tensions des fils continuent parfois d’évoluer : le mouvement projeté autour de la forme fait bouger la matière. Il fait ployer le métal, la fibre de verre et protège la pierre.
"VHS player", 2012 - "Scale", 2013 -"Coke bottle", 2013 - "Helmet", 2013 Courtesy Alice Anderson Studio
Pour DATA space, Alice Anderson a souhaité enregistrer les données de l’Espace en mesurant certains éléments de son architecture. Les lattes de bois du sol ont été réassemblées jusqu’à former de nouvelles figures géométriques circulaires, sortes de diagrammes de ces cotes enre- gistrées en 3D par le fil de cuivre. Les lucarnes de la Rotonde ont été remodelées en acier, puis tissées au fil de cuivre ; ensemble, elles créent une ronde après que la pression du fil de cuivre a fait courber la matière. L'ascenseur est devenu un simple parallélépipède et ses câbles d’élévation s’offrent pour la première fois au regard du visiteur. Certaines parcelles de pistes d’éclairage forment un ensemble vertical modulable à l’infini.
Enfin, les boîtes de néons du plafond se retrouvent interconnectées par la tension des liens. Tout au long de l’exposition, le visiteur est invité à découvrir les performances qui ont permis la réalisation de ces oeuvres inédites, cristallisées dans le temps. Ce n’est pas la nostalgie qui inspire la démarche d'Alice Anderson. Plutôt un désir de créer des nouvelles capsules temporelles et des mouvements constants. La recherche perpétuelle de nouveaux repères.
Image de la Performance "Kilometers", 2015 Courtesy Alice Anderson Studio
Née en 1972 à Londres (Angleterre). Vit et travaille à Londres (Angleterre). Alice Anderson a effectué ses études à École nationale supérieure des beaux-arts de Paris puis, au Goldsmiths College à Londres (Angleterre) entre 2001 et 2004. Sa première monographie, Rituals, s’est tenue au Musée Freud de Londres en 2011. Son travail sera par la suite présenté à Whitechapel Gallery à Londres en 2012, à la 55ème Biennale de Venise en 2013, à la Fondation Rizzordi à Saint-Pétersbourg en 2014 et à la Saatchi Gallery à Londres en 2015.
Elle investira la totalité du nouvel espace d’art contemporain de la Wellcome Collection à Londres dans quelques mois. Au cours de l’année 2010, Alice Anderson élabore une technique de tissage unique qui consiste à enrouler du fil de cuivre autour d’objets sélectionnés, devenant comme « momifiés » à la fin de la performance. En 2012, elle fonde le « Travelling Studio », espace itinérant qui se propose de rapprocher plusieurs communautés et cultures autour de cette pratique artistique. Le Studio invite à la constitution d’archives collectives en rassemblant des objets significatifs du temps présent ainsi momifiés. L’artiste réaffirme l’importance cruciale de laisser des traces matérielles de l’existence humaine, au coeur de l’ère digitale captivante dans laquelle nous évoluons.