07 Jan

Benoit HUOT « En attendant les bêtes sauvages »

Publié par Eric SIMON - Catégories : #Expo Sculpture Contemporaine

"La Puissance", 2021 de Benoit HUOT - Courtesy de l'artiste et de la Galerie C Paris © Photo Éric Simon

Du 9 décembre au 16 janvier 2022

« Il n’y a pas de bien, pas de choses, pas de raison, seulement un mystère à connaître en devenant soi-même mystère, une merveille à comprendre avec respect, silence et humour, et une rationalité à bannir, afin que le mystère ne soit pas rabaissé, que la merveille d’or ne soit pas réduite, alchimie inversée, en plomb rationnel. Seul compte le mystère.»

Bernard Dubant, Castaneda, le retour à l’Esprit

On a peur de les déranger, de rompre leur silence, troubler une concertation, un rituel. Deux gnous, un sanglier, un cerf des landes et un hyppotrague trônent, dans la galerie C, comme des idoles païennes. Étranges et kitsch, ces trophées sont ceux d’animaux de l’au-delà, de bêtes ayant franchi le Styx pour rejoindre, non les Enfers mais cet endroit de l’entre-deux où, sagement, elles existent éternellement.

Enfant déjà, Benoît Huot chérissait les animaux : il y en avait partout dans sa maison familiale et dès que l’un d’eux mourrait, l’artiste leur donnait une sépulture qu’il recouvrait d’ornements, de sculptures religieuses et de fleurs.

"La connaissance", 2021 de Benoit HUOT - Courtesy de l'artiste et de la Galerie C Paris © Photo Éric Simon

"La Force", 2021 de Benoit HUOT - Courtesy de l'artiste et de la Galerie C Paris © Photo Éric Simon

Cette approche ritualisée est toujours là dans sa pratique artistique. S’il a commencé comme peintre et graveur, Benoît Huot s’est forgé sculpteur du trépas : l’animal – des trophées de chasse et des animaux taxidermisés qu’il trouve en brocante ou qui lui sont donnés se retrouve au cœur de gestes cérémoniaux, patiemment réitérées par l’artiste lui-même, qui le recouvre de décorations, de tresses de laines et symboles.

Réalisées en technique mixte, l’ensemble des pièces présentées dans l’exposition « En attendant les bêtes sauvages » se déclinent dans des camaïeux de noirs, de violets et de bleus nuit, agrémentés çà et là de touches colorées tranchantes. Seul intrus au sein de ces gammes, le Selvans vert campé sur un trône, a-t-il été invité à cette assemblée de sages ?

"La sagesse", 2021 de Benoit HUOT - Courtesy de l'artiste et de la Galerie C Paris © Photo Éric Simon

"Sans titre", 2021 de Benoit HUOT - Courtesy de l'artiste et de la Galerie C Paris © Photo Éric Simon

Dieu de la forêt, il fait le lien entre deux mondes : celui des bêtes existantes et celui des trépassées. Immortel, il est une figure de transition et symbolise ce passage du vivant à l’après. Dans l’œuvre de Benoît Huot, les « bêtes sauvages » sont traitées de la même manière que certains êtres humains, il leur rend sensiblement les mêmes hommages. Et en effet, qu’est-ce qui distingue l’animal de l’homme ?

D’aucuns répondraient à cette question de manière péremptoire en affirmant que c’est l’esprit qui différencie ces êtres vivants. Mais lorsque l’on observe l’œuvre de Benoît Huot, un doute nous assaille : ces animaux sont-ils vraiment les bêtes sauvages en question ?

Ou est-ce qu’ils ne les attendent pas ?

Dans ce cas qui sont-elles ?

Par ailleurs souvent piétiné ou dénigré, le monde animal se drape ici de sagesse. Ces gnous, ces cerfs, ces sangliers ne sont-ils pas notre mémoire depuis des millénaires : leur être au monde ne nous permet-il pas, bien souvent, une prise de conscience d’un contexte écologique et social allant de mal en pis ?

Que se raconte cette assemblée apaisée si ce n’est que nos bêtes sauvages méritent les plus beaux hommages ?

Des hommages pour les vivantes et les mortes.

"Le savoir", 2021 de Benoit HUOT - Courtesy de l'artiste et de la Galerie C Paris © Photo Éric Simon

"Jabali", 2021 de Benoit HUOT - Courtesy de l'artiste et de la Galerie C Paris © Photo Éric Simon

Né en 1966 à Montbéliard (France), Benoit Huot vit et travaille désormais à Gray en Franche-Comté. Diplômé des Beaux-Arts de Besançon en 1989, il abandonne la peinture au début des années 2000 pour se dédier à une pratique qui oscille entre la sculpture et l’installation.

Fasciné par l’art religieux et les arts premiers, l’artiste dans une démarche atypique habille des animaux naturalisés de velours, de bandelettes et de bijoux, créant un monde à la fois étrange et envoûtant.

Les animaux métamorphosés de Benoit Huot, à l’image de fétiches ou de créatures aux vertus chamaniques évoquent les rituels d’Asie et d’Amérique du Sud. Les animaux naturalisés, ne sont plus des trophées de chasse, mais de véritables chimères, monstres imaginaires et fabuleux. Parés de bijoux et de bande-lettes à la manière de reliquaires, les bêtes sauvages deviennent sous leurs apparats des créatures sacrées, des figures de fables ou parfois de contes de fée. Visions fortes, certaines de ses œuvres peuvent susciter un sentiment entre tension et fascination.

Galerie C

6 rue Chapon

75003 Paris

http://www.galeriec.ch/

Jours et horaires d’ouverture : du mardi au samedi de 11h à 19h.