STURTEVANT « Dialectic of Distance Sturtevant Oldenburg Store »
"The Store of Claes Oldenburg", 1967 de Elaine STURTEVANT - Courtesy Galerie Thaddaeus Ropac © Photo Éric Simon
Du 22 avril au 11 juin 2022
Cinquante-cinq ans jour pour jour après son ouverture en 1967, la galerie Thaddaeus Ropac Paris Marais est heureuse de présenter Sturtevant : Dialectique de la distance, une exposition inédite de l’artiste américaine Sturtevant (1924-2014) qui retrace la performance lors de laquelle elle avait recréé The Store (Le magasin, 1961) de Claes Oldenburg.
Connue pour ses répliques déconcertantes d’œuvres par ses contemporains qui deviendraient iconiques, Sturtevant remet en cause la dominance des notions d’originalité et d’authenticité dans le discours artistique.
Les quatorze objets en plâtre exposés furent réalisés par Sturtevant dans les années 1960, à partir de ceux qu’Oldenburg avait créés pour sa boutique de Manhattan. Ils sont rassemblés pour la première fois pour cette exposition et seront montrés aux côtés de The Dark Threat of Absence (La menace obscure de l’absence), une vidéo réalisée en 2002 dans laquelle Sturtevant rejoue le film Painter (1995) de Paul McCarthy. Ensemble, ces deux œuvres emblématiques offriront un regard privilégié sur la pratique multiforme de cette artiste pionnière.
"Oldenburg store object, Candy Rack", 1967 de Elaine STURTEVANT - Courtesy Galerie Thaddaeus Ropac © Photo Éric Simon
Un sentiment de déstabilisation accompagne les expositions de Sturtevant, dont les œuvres continuent de briser les barrières et les tabous du monde de l’art.
En 1967, Sturtevant loue une boutique dans le Lower East Side de Manhattan, dans laquelle elle expose une sélection d’objets en plâtre colorés, parmi lesquels des robes, des gâteaux, des hamburgers et des mégots de cigarettes, dans un remake de la performance d’Oldenburg.
"The Store of Claes Oldenburg", 1967 de Elaine STURTEVANT - Courtesy Galerie Thaddaeus Ropac © Photo Éric Simon
Ce geste radical fut accueilli avec hostilité lorsque, la veille de l’ouverture du spectacle, elle fut sévèrement battue par un groupe d’écoliers et se retrouva à l’hôpital. Audacieuses et provocatrices, les œuvres de Sturtevant créent la confusion afin de susciter la réflexion et d’allumer, d’après elle, le « feu. »
Parmi le petit cercle de l’intelligentsia avant-gardiste dans lequel Sturtevant évoluait, certains partageaient ce sentiment d’incompréhension à l’époque du happening. The Store by Claes Oldenburg (Le Magasin par Claes Oldenburg), qui s’était tenu quelques années plus tôt, à sept rues de là seulement, était déjà un emblème du mouvement pop art par son contournement des structures commerciales du monde de l’art et sa mise en évidence de la commodification croissante des œuvres d’art. La répétition iconoclaste du Store par Sturtevant pousse encore plus loin la critique pop en explorant la notion même de la créativité afin de la reconceptualiser.
"Oldenburg store object, Dress", 1967 de Elaine STURTEVANT - Courtesy Galerie Thaddaeus Ropac © Photo Éric Simon
Chaque objet de la boutique, recréé de mémoire, n’était pas une reproduction exacte d’un des objets d’Oldenburg, mais plutôt, comme l’a décrit Anne Dressen, conservatrice du Musée d’art moderne, « la simulation d’un facsiprès à celles présentées dans le magasin d’Oldenburg.
Laissant de côté la notion d’originalité, le processus de répétition est un moyen pour Sturtevant d’explorer les tensions qui apparaissent de manière inévitable à travers la subjectivité des individus qui réalisent les gestes de création. Comme l’expliquait Sturtevant dans une interview de 2013, « En réalité, les appropriationnistes s’intéressaient à la perte d’originalité et moi au pouvoir de la pensée. Il y a là une très grande différence. »
L’approche de Sturtevant renvoie aux théories avancées par le philosophe français Gilles Deleuze dans son premier grand ouvrage, Différence et répétition (1968).
"Oldenburg store object, C.O Fried Egg", 1968 de Elaine STURTEVANT - Courtesy Galerie Thaddaeus Ropac © Photo Éric Simon
En reprenant les œuvres d’autres artistes à travers ses propres actions et mouvements, elle crée la différence, au sens deleuzien de la distance qui sépare et connecte deux entités. Le titre de l’exposition, Dialectique de la distance, invite le spectateur à aborder les œuvres de Sturtevant en ces termes, puisqu’elle répète, cinquante-cinq ans jour pour jour après son ouverture, sa recréation du magasin d’Oldenburg.
Également exposée chez Thaddaeus Ropac Paris Marais sera la réinterprétation par Sturtevant de la performance Painter (Peintre, 1995) de Paul McCarthy, intitulée The Dark Threat of Absence (La Menace obscure de l’absence, 2002). Dans Painter, McCarthy se déguise en personnage clownesque à l’aide de prothèses en caoutchouc démesurées et déambule dans un décor en bois semblable à un atelier d’artiste.
Il est vêtu d’une blouse bleue, à mi-chemin entre celle d’un peintre et une blouse d’hôpital, et de temps à autre exclame « de Kooning ! », dans une parodie évidente du peintre expressionniste abstrait. En tant que reconstitution d’un artiste agissant comme un autre artiste, The Dark Threat of Absence représente une mise en abîme unique de la pratique de Sturtevant.
"The Store of Claes Oldenburg", 1967 de Elaine STURTEVANT - Courtesy Galerie Thaddaeus Ropac © Photo Éric Simon
Dans le même temps, elle pousse la critique de l’image de l’artiste en tant que génie torturé encore plus loin dans sa version, en soulignant la nature phallocentrique du mythe par des gros plans explicitement sexuels et des coupures sur des foules hystériques à des concerts de musique pop.
Elle décrit une œuvre dans laquelle « le son est l’image-temps, le mouvement est pensée, l’espace vide est la force exhaustive – le tout constitue une puissante totalité qui en bouscule les éléments constitutifs. » Les bouteilles de ketchup et les phallus se succèdent rapidement, réapparaissant souvent sous forme de flashs à l’écran, tandis que la vidéo s’éloigne progressivement de la performance de McCarthy.
Réalisée plus de trois décennies après The Store of Claes Oldenburg, cette œuvre plus récente établit de façon concrète une dialectique visuelle grâce au format à double canal de la vidéo. Au début, les deux côtés semblent montrer la même séquence, mais un décalage temporel apparaît bientôt, qui se transforme en ce que l’artiste décrit comme un « déséquilibre agité qui est collé par la transgression. » Ce dédoublement dans la recréation de Sturtevant met l’accent sur « l’inframince décalage », comme le dit l’historienne de l’art Anne Dressen, « qui fait toute la différence selon Deleuze : par essence, deux gouttes d’eau ne peuvent être identiques ; toute reprise s’accompagne d’une subjectivité inévitable, limitant ainsi l’hyperréalisme.
"Oldenburg store object, Hamburger and Letuce on Plate", 1967 de Elaine STURTEVANT - Courtesy Galerie Thaddaeus Ropac © Photo Éric Simon
Née dans l’Ohio, en 1924, Elaine Sturtevant obtenu une licence à l’université de l’Iowa et étudié la philosophie à l’université de Zurich. Elle a ensuite reçu une maîtrise en psychologie à l’université de Columbia.
En 1990, elle a quitté les États-Unis pour s’installer à Paris, où elle a vécu et travaillé jusqu’à sa mort en 2014.
Elle a reçu le Lion d’or pour l’accomplissement d’une vie à la 54e Biennale de Venise en 2011, et son œuvre pionnière a fait l’objet de nombreuses expositions personnelles, notamment au Museum of Contemporary Art, Los Angeles (2015) ; The Museum of Modern Art, New York (2014) ; MMK Museum für moderne Kunst, Francfort (2014) ; Albertina, Vienne (2014); Hamburger Bahnhof, Berlin (2014) ; Serpentine Galleries, Londres (2013) ; Kunsthalle, Zürich (2012) ; Moderna Museet, Stockholm (2012) ; Musée d’Art Moderne de Paris (2010) ; Le Consortium, Dijon (2008) ; Museum für Moderne Kunst, Francfort (2004) ; École Régionale des Beaux-arts de Nantes (2000); MAMCO, Genève (1999) et Villa Arson, Nice (1993). Parmi ses expositions collectives récentes, citons Carte blanche à Anne Imhof, Natures Mortes, Palais de Tokyo, Paris (2021) et She-Bam Pow POP Wizz ! Les Amazones du POP au MAMAC, Nice (2020).
Galerie Thaddaeus Ropac
7 rue debelleyme
75003 Paris
Jours et horaires d’ouverture : du mardi au samedi de 10h à 19h.
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