Expo Peinture Contemporaine: Romain Bernini "Woods"
Du 5 février au 15 mars 2014
Romain Bernini est né en 1979 à Montreuil. Il vit et travaille entre Paris et le Limousin.
Il y a des artistesqui existent par leurs œuvres, seulement par leurs œuvres comme sʼils se vidaient peu à peu de leur réalité pour la transmettre à une toile.Romain Bernini, lui, est peut être encore plus vivant que ses créations ou plus exactement il semble leur transmettre son appétit et son plaisir de vivre. Mais lʼinconscient de Bernini nʼest pas public, il résiste, alors on se reporte vers ses peintures, son engagement, son métier, sa passion quʼest la peinture.
Chez Bernini, la peinture a toujours été évidente, même si parfois il sʼest laissé entrainé vers la photographie (série dʼimages faites à la Villa Médicis ou parfois support des toiles). Quant au dessin, il le pratique fréquemment, esquisses ou cahier de croquis, parfois même en direct sur la toile.Son travail peut être dans son ensemble qualifié de figuratif, avec quelques incartades récentes, Mistake, 2013, dans de petits formats très prometteurs.
La peinture, Romain Bernini la pratique presque à la manière des anciens, rejouant à sa façon lʼitinéraire des artistes classiques mais sur des champs très contemporains. Il amène à maturation une technique propre où la figuration se plie aux exigences de la couleur pour mieux se faire voir. Il montre notre monde comme par carambolage, par références à des sujets mythiques et lʼillumine dʼun éclat terrible. Pour lire les tableaux de Bernini, il faut avoir un don de double vue, il faut apprendre les règles du détour: lʼitinéraire nʼest pas vertical, il se découvre en levant une à une les feuilles de lʼimage, les premières significations en cachent dʼautres. Bernini, même s’il reprend souvent ses toiles et parfois pendant plusieurs mois, travaille dans lʼélan comme sʼil avait déjà sauté le pas de lʼinconscient. Ses toiles font partie du monde du désir, fonctionnant suivant leurs propres lois. Si elles montrent un certain réel, elles sont aussi images fictives où la présence humaine se mêle à lʼapparence animale, aux masques, aux forêts, à la nature.
Et cʼest par la couleur –uniquement de la peinture à lʼhuile –que Bernini exprime le mieux sa subjectivité. Elle donnevie et mouvements aux instantanés de ses images, elle en fait ressortir les formes et les contenus latents. Elle met en évidence les dimensions cachées de lʼespace. Et dans ses peintures très récentes, les Loups2012 ou quelques toiles de la série des Masques, les espaces livrés uniquement à la couleur se font plus nombreux, presque à la manière de certains abstraits. Chaque motif, chaque couleur, chaque touche prend le spectateur dans un labyrinthe de juxtapositions de nuances et de reflets et provoque un choc, le choc de la mémoire. Bernini tisse ainsi une toile dʼaraignée colorée quʼil referme du dernier coup de pinceau.
Les Forêts,chez lui, ne sont pas simplement végétales. Elles sont une double vie: naturelles, elles sʼopposent au saccage des civilisations industrielles. Résistantes, elles sont ordre organique de la liberté, elles montrent des chemins de traverse. Dans lʼespace vide des forêts, la couleur, le traitement des formes le structurent dans un univers sans vie où la réalité nʼest plus que lʼinvestissement dʼun souvenir, presque une hallucination, le résultat dʼune régression sauvage quʼaucun élément de la main de lʼhomme ne vient troubler. La liberté apparente des paysages emprunte déjà la voie des rêves et nʼatteint la réalité quʼà travers les désirs du peintre.
Autre série Cargo Cultoù des hommes apparaissent, le visage caché par des masques. Les hommes sont sans visage, retranchés derrière leur masque mais leurs vêtements les désignent comme faisant partie de notre monde. Figés dans la toile, ils sont porteurs de pulsions de vie. La métaphore, lʼallusion projettent plus de sens symbolique que la signification immédiate.
En définitive, je crois profondément que Romain Berninia bien compris son rôle de peintre. Cʼest un gêneur, non pas du quotidien mais parce quʼil sait rendre compte sur sa toile de la mutilation et des contraintes que subissent nos sociétés contemporaines et ses habitants, lʼangoisse et la solitude qui sont les leurs. Son travail incite à la vigilance, au doute et réussit à nous tenir en éveil. Il nʼest pas là pour rassurer mais pour inquiéter et exiger. Sa peinture est riche de significations multiples qui sʼemboitent lʼune dans lʼautre et nécessitent une lecture feuilletée. Elle est source de fascination et de plaisir.
Françoise Docquiert
GALERIE SUZANNE TARASIEVE PARIS
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