Du 18 Septembre au 17 Octobre 2015
Les Passions et les fêtes d’une époque violente ou quelques réflexions sur les préoccupations de Thomas Teurlai par Arnaud Maguet
« Les artistes seront les Teddy-Boys de la vieille culture. Ce que vous n’avez pas détruit, nous le détruirons pour tout oublier. »
Giuseppe Pinot-Gallizio in Discours sur la peinture industrielle
et sur un art unitaire applicable, Internationale Situationnistes n°3, 1959
« Ce jardin vous plaît-il ? Il est le vôtre ! Empêchez vos enfants de le détruire. »
Malcom Lowry, Au-dessous du volcan, 1947
Thomas Teurlai a achevé en 2011 ses études à la Villa Arson avec les honneurs du protocole scolaire et le respect de ses professeurs. Depuis, et avec la radicalité qui le caractérise, il n’a eu de cesse de poursuivre, en Europe comme aux États- Unis, son parcours en un incessant va-et-vient entre la friche insalubre et le white cube institutionnel du Palais de Tokyo à une usine de poissons désaffectée au fin fond de l’Islande, par exemple. Souvent, des fluides, des courants, des masses, des réactions mécaniques et chimiques y rentrent en conflit dans les décors restreints ou immenses de ruines contemporaines, reliques des nouveaux espaces sans qualité.
Il serait difficile de nier que les ruines occupent une place de plus en plus grande dans l’imaginaire de notre temps. Il serait tout aussi difficile de nier que Thomas Teurlai fait bien partie de ce temps-ci. La beauté et la poésie des marges sont à l’oeuvre dans sa pratique, l’altérité de matériaux zombies, dont il force les secondes vies aussi. Comme on découvre à l’école les propriétés musculaires d’un cadavre de batracien en le parcourant d’un faible courant électrique, Thomas Teurlai pointe les arcanes désenchantées de notre société à la dérive en réinjectant dans ses rebuts l’énergie qui l’a depuis bien longtemps quittée.
Le voltage n’étant pas toujours exactement approprié, le processus soubresaute souvent du ridicule à l’inquiétant en une obscure danse de Saint-Guy. Feu, ombre, poison et autres dangers ancestraux sont toujours là, guettant notre confort moderne, tapis dans cette interzone que souvent l’on préfère garder hors de vue, envers du décor d’un paysage-recyclage où les ruines deviennent pratiquement instantanées grâce au miracle de l’obsolescence programmée. Et à tous ceux qui se plaindraient encore de la trop forte occurrence de ces ruines post-industrielles dans les pratiques contemporaines, à tous ceux qui regretteraient encore les qualités romantiques prétendument supérieures de vestiges passés plus lointains, plus glorieux, je conseillerais une fréquentation plus assidue des échoppes de fournitures pour aquariums, les moulages en résine de temple y sont saisissantes.