13 Mar

Lara BLOY « Les ÉGARÉES »

Publié par Eric SIMON - Catégories : #Expo Peinture Contemporaine

Détail "Égarée XVII", 2023 de Lara BLOY - Courtesy de l'artiste et de la H. GALLERY - Paris © Photo Éric Simon

Du 10 février au 18 mars 2023

CORPS PHYSIQUES ET ÉTATS INTÉRIEURS

Les premiers collectionneurs de Lara Bloy se sont montrés sensibles à la beauté époustouflante de ses peintures. Au-delà de cette première impression, sa pratique artistique, qui interroge les rapports entre la mise en scène du corps et ses états intérieurs, suscite un intérêt plus profond. L’artiste observe les actions du corps : ses moments de tensions, de relâchements, ses positions antalgiques, dans toute leur intensité, de la crispation extrême jusqu’à l’oubli le plus profond.

"Égarée XVII", 2023 de Lara BLOY - Courtesy de l'artiste et de la H. GALLERY - Paris © Photo Éric Simon

Passionnée de sports en extérieur, elle extrait ses modèles de scènes d’apesanteur, de chutes, d’expériences vécues (escalades, descentes de canyons mais aussi accidents de la route...).

Afin d’explorer particulièrement les situations de flottement, au sens propre comme figuré, elle s’inspire des univers du théâtre et de la danse, notamment du buto "danse japonaise" dont le nom peut se traduire par « danser en frappant au sol », ainsi que des grandes figures de la libération du corps de la femme du début du XXe siècle, telles que Loïe Fuller ou Isadora Duncan.

Les performances de cette dernière, pieds nus et cheveux lâchés, visaient à transmettre les états de l’âme à travers l’expression naturelle du corps libéré.

"Unisson II", 2022 de Lara BLOY - Courtesy de l'artiste et de la H. GALLERY - Paris © Photo Éric Simon

ENTRE APESANTEUR ET GRAVITÉ, ENTRE ATARAXIE ET PAROXYSME

Les modèles sont, le plus souvent, représentés perdus dans leurs songes, absorbés, comme à l’état de coquilles vides, d’où la pensée s’échappe et revient. Évoluant dans des espaces incertains, ils contrastent avec la tension permanente de notre monde actuel et invitent à l’errance.

Ces moments où notre rapport à la gravité et au temps semble suspendu pourraient rejoindre le concept d’ataraxie développé dans la philosophie épicurienne, caractérisé par une absence de troubles corporels et spirituels. Son approche de l’individu en pleine introspection est souvent mélancolique.

Ce dernier semble se détacher du monde ou le subir de plein fouet mais rejoint également, en parallèle, l’état que l’on peut vivre face aux écrans, plongé dans une hypnose qui mène vers un oubli de soi artificiel.

"Égarée XVI", 2023 de Lara BLOY - Courtesy de l'artiste et de la H. GALLERY - Paris © Photo Éric Simon

Certaines toiles dégagent une sensualité étrange et paradoxale : cette sensualité apparaît finalement être tour- mentée. Le corps dans son abandon, le visage occulté deviennent presque des paysages sculptés par les creux, les élévations, les angles incisifs, les couleurs évocatrices et les subtilités de la lumière.

L’artiste puise également ses inspirations dans l’histoire de l’art, avec des œuvres emblématiques tel « Le Retable d’Issenheim » de Matthias Grünewald, où la représentation de la crucifixion, des mains et des pieds en particulier, évoque une souffrance paroxystique.

Lara Bloy met en scène, à la manière de l’acmé d’une pièce de théâtre, ce point de bascule où le corps et l’esprit portent la marque du trauma et sont dans une tension extrême puis en chute libre après ce point culminant. Par son aspect labyrinthique, la représentation du drapé se fait prépondérante. Elle donne l’impression d’un dédale à résoudre, d’un cheminement avec ses variations et ses pièges et évoque les strates de nos pensées.

"Litotte II", 2023 de Lara BLOY - Courtesy de l'artiste et de la H. GALLERY - Paris © Photo Éric Simon

"Égarée XIV", 2023 de Lara BLOY - Courtesy de l'artiste et de la H. GALLERY - Paris © Photo Éric Simon

LA PEINTURE À L’AUNE DU MONDE ACTUEL

De nombreuses toiles sont produites à huis clos dans l’atelier, depuis la prise de vue des modèles jusqu’à la réalisation de la peinture elle-même, en passant par le montage numérique. Les centres d’intérêt de l’artiste l’ont amenée à considérer, dans sa pratique, le triple paradoxe entre l’image numérique retouchée et transformée, le corps réel avec la chair et l’anatomie, et le caractère faussement artisanal ou traditionnel de la peinture classique.

En effet, à l’époque d’internet, de l’image virtuelle et du Metaverse, elle voit une étrange et audacieuse poésie dans le mélange de l’image numérique d’apparence réaliste bien que virtuelle avec une technique résolument ancienne, qui s’inscrit dans un temps long et donne lieu à une œuvre d’art physique, tangible, presque charnelle et définitivement poétique.

"Le Dilemme", 2022 de Lara BLOY - Courtesy de l'artiste et de la H. GALLERY - Paris © Photo Éric Simon

Dans ses considérations sur le monde actuel, Lara Bloy se nourrit notamment de la philosophie qui anime des œuvres de science-fiction des années 80 comme « Ghost in the Shell » et qui décrivent le vertige de l’humanité face au développement de la technologie et des corps cyber-connectés et améliorés. Les personnages y luttent avec une frustration existentielle qui met en jeu la part de l’âme et la part du corps dans l’humain.

Cette variété d’états psychologiques traduits par des états physiques est un moyen de questionner les spécificités de la pensée humaine, notamment à l’ère du numérique.

"Égarée XV", 2023 de Lara BLOY - Courtesy de l'artiste et de la H. GALLERY - Paris © Photo Éric Simon

Lara BLOY est née à Toulouse en 1992, Lara Bloy est diplômée d’Arts plastiques et d’Histoire de l’Art de l’Université de Toulouse.

Ayant obtenu le CAPES, elle débute sa carrière en tant que professeure d’Arts plastiques. En 2020, elle déménage à Paris et devient l’assistante d’Olivier Masmonteil. Son travail apparaît dans quelques expositions collectives importantes comme au Hangar 7 à Salzbourg, dans L’Enfer chez Sabine Bayasli aux côtés de Lionel Sabatté, Nazanin Pouyandé ou Mathieu Mercier et dans L’Ami.e modèle au MUCEM, (curator : Mathieu Mercier, invité par la Fondation Pernod Ricard) aux côtés de Saâdane Afif, Guillaume Bresson, Alain Bublex, Nina Childress, Claude Closky, Apolonia Sokol, Djamel Tatah, Tursic & Mille, Xavier Veilhan.

Le Centre d’Art Les Églises de Chelles lui consacre une exposition personnelle de décembre 2022 à fin janvier 2023. Sa première exposition personnelle en galerie se tiendra à H Gallery en février 2023. À cette occasion, Point Contemporain lui consacre un article dans son numéro de décembre 2022 - février 2023. Elle est représentée par H Gallery et elle sera présentée sur le stand de la galerie à Art Paris Art Fair en avril 2023.

H. GALLERY

90, rue de la Folie-Méricourt

75011 Paris

www.h-gallery.fr

Jours et horaires d’ouverture : du mardi au samedi de 13h à 18h.