14 Sep

Julien AUDEBERT « La Nuit du Monde»

Publié par Eric SIMON - Catégories : #Expo Peinture Contemporaine

Détail "La nuit du monde (Luc)", 2023 de Julien AUDEBERT - Courtesy de l'artiste et de la Galerie ART : CONCEPT - Paris © Photo Éric Simon

Du 2 septembre au 23 septembre 2023

Caravage serait « venu au monde pour détruire la peinture », selon Poussin.

Julien Audebert serait-il venu au monde du XXIe siècle pour en détruire les images ?

Au XVIIe détruire exprimait en creux la profonde déchirure du regard et son symptôme patent, le ténébrisme. Notre XXIe n’est pas moins déchiré par le mentir-vrai des images. SIG P210 à la main, à distance d’une plaque de cuivre (40x40 cm), le digne épigone du Ténébreux tire à deux reprises avant de peindre autour des impacts un visage de son entourage proche.

Peut-on imaginer déchainement de feu plus maîtrisé, peinture plus suave d’un clair-obscur rembranesque ?

"La nuit du monde (Jonathan)", 2023 de Julien AUDEBERT - Courtesy de l'artiste de de la Galerie ART : CONCEPT © Photo Éric Simon

"La nuit du monde (Anaïs)", 2023 de Julien AUDEBERT - Courtesy de l'artiste et de la Galerie ART : CONCEPT - Paris © Photo Éric Simon

Détail "La nuit du monde (René)", 2023 de Julien AUDEBERT - Courtesy de l'artiste et de la Galerie ART : CONCEPT - Paris © Photo Éric Simon

"La nuit du monde (René)", 2023 de Julien AUDEBERT - Courtesy de l'artiste et de la Galerie ART : CONCEPT - Paris © Photo Éric Simon

Un ou deux millimètres dérisoires de cuivre vierge autour de la dépression formée par la balle accroche la lumière, c’est le choc. La vie entière d’un visage exprimée sur une infime portion de surface entre un trou noir et des touches de peinture. Telle est la série.

La nuit du monde ainsi paraphrasable : Tu croyais voir un portrait, tu t’abîmes dans l’éclat infini de l’infinitésimale mémoire du monde ! Suivons la lumière de Premier feu. Image composée d’environ 125 photogrammes issus de reportages sur des fouilles de grottes.

Dans ces grottes, des hommes domestiquèrent le feu, d’autres le volèrent, aujourd’hui cette lumière est prête à nous sauter au visage partout où l’on ne la voit plus. Maître des techniques les plus sophistiquées, Julien Audebert ne les montre jamais, mais sous la perfection iconique d’une image de lumière il y a destruction.

"La nuit du monde (Marie-Lise)", 2023 de Julien AUDEBERT - Courtesy de l'artiste et de la Galerie ART : CONCEPT - Paris © Photo Éric Simon

"La nuit du monde (Luc)", 2023 de Julien AUDEBERT - Courtesy de l'artiste et de la Galerie ART : CONCEPT - Paris © Photo Éric Simon

"La nuit du monde (Loris)", 2023 de Julien AUDEBERT - Courtesy de l'artiste et de la Galerie ART : CONCEPT - Paris © Photo Éric Simon

Il choisit, découpe, combine, monte ces photogrammes en une image qui n’existe pas. Cette image projetée par un puissant rétroprojecteur a été shootée afin d’obtenir un plan film argentique dont la qualité est 5 fois supérieure à la meilleure résolution numérique. La grotte est le lieu du premier signe d’une sensibilité.

Voici la profondeur d’une surface percluse d’obscurités. Tel est pour le spectateur le prix d’un présent insondable.

L’art de Julien Audebert n’est rien qu’un quelque chose brillant et vibrant dans la lumière électrique d’un maintenant. Suivre la lumière c’est passer à une mémoire pour revenir au seul présent habitable. Se mettre au présent de ce qu’on voit.

—Corinne Rondeau, 2023

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